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I
PONTIFICIA UNIVERSITAS GREGORIANA
ROMAE
DISSERTATIO AD LAUREAM
In Facultale : Juris Canonici
Joachim DINH THUC (Cognomen
et Nomen)
e Pontiificio Collegio (vel Religione): Sancti Petri Apostoli
Moderante : R.P. Decano Petro LLUIZING
Tradita die : 15a Novembris 1960
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II
LES SŒURS AMANTES DE
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III
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IV
Joachim DINH-THUC
Les Amantes de
(Leurs origines - leur subsistance et leurs activités sous les persécutions - leurs statut juridique - les réformes ou leur passage de l’état de vierges vivant en commun à celui de religieuses.)
Thèse de Doctorat présentée auprès de l’Université
Pontificale Grégorienne à
Page 1
BIBLIOGRAPHIE
DOCUMENTS ÉDITES:
- Giovanni Filippo de Marini S.J.: Delle missioni dei Padri della Compagnia di Gesu nella provincia di Giappone, e particolarmente di quella di Tunkino, Roma, 1663, p. 223.
(Marini, Missioni.
- Lettres Édifiantes et Curieuses écrites des Missions Étrangères, 26 tomes, Paris 1780-1783.
(Lettres Ed. .
- Nouvelles des Missions Orientales reçues au Séminaire des Missions Étrangères à Paris en 1785 et 1786, 2 volumes, Amsterdam - Paris 1787.
(Nouvelles des Missions Or..
- Nouvelles des Missions Orientales, Lyon 1808.
- Nouvelles Lettres Édifiantes, 8 tomes, Paris 1818-1823.
(NLE.
- Histoire de l’Établissement du Christianisme dans les Indes Orientales, par les évêques français et autres missionnaires apostoliques, 9 volumes, Paris 1803.
(Hist. christianisme dans les Indes. Or. .
- Estratto delle lettere originali, scritte in idioma francese dai Vicarii Apostolici e missionarii della Cina, Tunkino, Cocincina sullo stato di quelle Missioni, 2 tomes, Roma 1806.
(Lettere Originali.
- Annales de l’Association
de
(Ann. Prop. Foi .
Page 2
- Synodus Vicariatus Sutchuensis anno 1803 habita, Roma 1822.
- Raccolta di documenti, Roma ex Typis Prop. Fide 1863.
- Correo -
Sino-annamitica. Resumen historico de las Misiones que
(Correo Sino-annamitica, Manila Setiembre.
- Les Missions
Catholiques; bulletin hebdomadaire illustré de l’Œuvre de
(Missions Cath..
- Lettres communes et Compte-rendu des travaux, à partir de l’année 1870, Séminaire des Missions Étrangères à Paris.
(Compte-rendu MEP.
- Bulletin de l’œuvre des partants, nn. 1-37, séminaire des Missions Étrangères de Paris Oct. 1880-1897.
Le titre de ce Bulletin a changé en :
Annales de
(Ann. MEP.
A partir de l’année 1939, les Annales ont changé en :
Missionnaires d’Asie.
- La fille chrétienne
consacrée à Dieu et la somme des vertus de
- Henri Ravier, Compendium historicae ecclesiasticae («Su ky Thanh Yghêrêgia tu tao thiên lâp dia cho dên bây gio»), 3 volumes (en Vietnamien) :
vol. I : Ninh Phu Duong 1892,
vol. II : - - - 1894,
vol. III : - - - 1895, p,147.
(Ravier, Compendium hist. eccle.
Page 3
- Le Règlement des
Amantes de
-- Le Règlement des couvents dans le Vicariat Apostolique de Binh-Dinh (ou Qui-Nhon), «Bon luât cac nhà phuoc, Dia phân Binh-Dinh», Làng-sông 1905 (en Vietnamien ).
- Recueil des Lettres Circulaires des Vicaires Apostoliques et Vicaires Provinciaux du Vicariat Apostolique du Tonkin central, à partir de l’année 1849 («Nhung thu chon trong cac thu chung cac dang Vicariô Apostolicô và Vicario Provinciale ve dia phân trung trong nuoc Annam, da lam tù nam 1849»), tome II, Phu-nhai-duong l908.
(Circulaires, Tonkin Central.
- Synode Tonkinois en 1900 («Synodô Tunquinêsê, Công dông hôi lân thu nhât miên Bac ky, dàng ngoài trong nuoc Annam nam 1900»), 2e édition, Ke-So 1915 (en Vietnamien).
- M. Fautrat, Résumé de l’histoire ecclésiastique («Su ki van tat Thanh Yghêrêgia, 4e édition, Ke-So 1915, p.117 (1ère édit. en 1880). En Vietnamien.
- La vierge chrétienne («Sach
trinh nu», sach tom lai nhung khoung phép cung chinh viec nhung nguoi làm trinh
nu hàng phai nho ma giù luôn), Imprimerie de
- Alexandro Marcou, Instructions sur les obligations pour les religieuses indigènes («Sach day làm nên nhung viêc bâc minh»), Hongkong 1917.
- Recueil des Lettres Circulaires des Vicaires Apostoliques du Tonkin Occidental, («Sach thu chung, Dia phân tây dàng ngoài»), tome II, Ke-So 1924
- Launay (Adrien) :
1) Histoire générale de
(Launay, Hist. Soc. MEP.
Page 4
2) Histoire de
(Launay, HMS .
3) Histoire de
(Launay, HMS, Doc. hist.
4) Histoire de
(Launay, HMC.
5) Histoire de
(Launay, HMT.
- Bulletin de
(Bulletin MEP.
- Mgr Néez, Les documents sur le clergé Tonkinois, Paris Téqui 1925, p. 273.
(Mgr Néez, clergé Tonkinois, p.273.
- Le Règlement des
Amantes de
- Revue de l’Histoire dos Missions (1ère année : 1924 ), Paris Spes 1930, pp. 484-494.
(Revue Hist. des Missions.
- Guida delle Missioni Cattoliche, Appendice A: Statistiche della S.C. de Prop. Fide ad 30 VI 1933, p.100, Roma, Unione missionaria del clero in Italia 1934.
- Primum Concilium plenarium Indoninense anni 1934, Hanoi - Trung hoa 1938.
(I Conc. plenar. Indosin.
- Règles de Saint
Augustin et Constitutions de
(Constitutions de
- Henri Chappoulie, Aux Origines d’une Église, Rome et les Missions d’Indochine au XVII siècle., 2 tomes, Prais Bloud et Gay 1943 et 1943.
(Chappoulie, Missions d’Indochine .
Page 5
- Joseph Creusen, De juridica status religiosi evolutione, synopsis historica, Romae 1948.
- Dom Robert Lemoine, O.S.B., Le droit des religieux (du Concile de Trente aux Instituts séculiers), Desclée de Brouwer 1956.
- Mr l’abbé Nguyên-Hông, L’histoire de l’action missionnaire au Viêt-nam (« Lich su Truyên Giao o Viêt-nam »), Edition Phuoc-Son, Cho-Quan (Cho-Lon) 19 59.
- Commentarium pro religiosis, Romae 1920 ss.
(C.p.R.
- Revue des communautés religieuses, Bruxelles 1925 ss.
(RCR
- R. Naz, Dictionnaire de Droit Canonique, Paris, 1935 ss.
(DDC
Page 5bis
DOCUMENTS IMPRIMÉS :
-
(Amantes de
- De
- Mgr de Cooman, Bref
aperçu sur
- Le courent indigène de Cho-Quan (historique et règlement).
Manuscrits: Aux Archives
de
- Acta Congregationum Particularium super rebus Sinarum et Indiarum Orientalium, 1785-1787, ff. 281-282, 406-408, 414, 519, 548-552.
(A.C.P. super rebus Sinarum et Indiarum Or.)
- Scritture originali delle Congregazioni particolari delle Indie Orientali : 1785-1786, ff. 635; 1787-1788, ff.300, 304; 1793-1795, ff. 108, 296; 1796-1801, ff. 298, 304, 388, 424.
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Table de matière
BIBLIOGRAPHIE
Table de matière
Introduction :
- La vie religieuse au
Vietnam avant les amantes de
- Délimitation du sujet
I Section :
Les origines des Amantes de
Chapitre 1er : Le Fondateur et les fondations.
Article 1er: L’état de la question:
a) Les missionnaires Jésuites n’ont pas fondé d’Institut de femmes.
b) Ce fut l’œuvre dos missionnaires de
Article 2e: Vers la fondation:
a) Le fondateur principal
b) Les dispositions du fondateur
c) Les dispositions des femmes et des jeunes filles
Article 3e: Les fondations:
Au Tonkin
Occasion de la première fondation
Fondation et tradition du Règlement
Date de cette première fondation
En Cochinchine
Occasion
de la fondation
Fondation
à Quang-Nghia
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Au Siam
Occasion de la fondation
Fondation
Date de la fondation
Au Pulo-Penang ou Pinang
Au Cambodge
Au Laos
Au Japon :
Article 4e: Approbation épiscopale et confirmation pontificale
Conclusion du Ier chapitre : l’établissement des Amantes de
Chapitre 2e : La subsistance des Amantes de
Article 1er: Les Vocations
Article 2e: La 1ère Période: 1670-1700 ; période de développement .
La marche de
Le genre de vie
La vie spirituelle et la sanctification
Les œuvres
Les persécutions
Conclusion
Article 3e: La 2e Période : le 18e siècle
La marche de
Le genre de vie
La vie spirituelle et la sanctification
Les œuvres
Les persécutions
Conclusion
Article 4e: La 8e Période: le 19e siècle
Page 8
Les évènements et la marche
de
Le genre de vie
La vie spirituelle et la sanctification
Les œuvres
Les persécutions
de Minh-Mênh
de Thiêu-Tri
de Tu-Duc
L’action des lettrés
Conclusion
Article 5e : La 4e Période: à partir de 1900
Le genre de vie
La vie spirituelle et la sanctification
Les œuvres
Conclusion
Conclusion de
II Section:
L’état juridique de l’Institut des Amantes
de
Chapitre 1er: Le statut juridique de l’Institut
des Amantes de
Article 1er: L’Institution des Amantes de
A - Conception de la vie religieuse avant le Code du Droit-Canon
- La discipline de la profession solennelle
- Vers la reconnaissance des vœux simples
B - Application aux Amantes
de
- L’exposé des documents
- L’examen des documents
I - non un Ordre
II - non une Confrérie
III - en principe ce devait
être une Congrégation à vœux simples
Conclusion
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Article 2e : Le Règlement
original des Amantes des
- Les points caractéristiques de ce Règlement.
- Ce Règlement comparé à celui des Visitandines
- L’application de ce Règlement
Article 3e : Les incidents juridiques dont les maisons dans le Tonkin Oriental furent l’objet.
- Les Premières tentatives des Pères Dominicains pour changer leurs règles.
- Les secondes tentatives des mêmes Pères pour changer leurs règles :
a) 1ère phase de cette controverse.
b) 2 phase de cette controverse.
c) Conclusion de la controverse.
Conclusion de cet article
Chapitre 2e : Les Réformes
Article 1er : En Cochinchine : les tentatives de modifier le Règlement et la deuxième fondation.
- Les raison
- Les différentes mesures
- la première tentative manquée (vers 1679)
- le second essai de donner un Règlement nouveau aux
Amantes de
- la troisième opération : la « deuxième
fondation » de l’Institut des Amantes de
Article 2e : Au Tonkin : les
principales mesures complémentaires ajoutées au Règlement des Amantes de
Page 10
- au sujet des sorties et des visites des religieuses
- au sujet de l’entrée des hommes dans leurs maisons
- au sujet de leur travail dans les champs
- au sujet de celles qui sont renvoyées ou retournées dans le monde.
Conclusion
Articles 3e : La réforme ou les réformes
§.1- Le passage de l’état de quasi-religieuses à celui de religieuses
A - La nécessité de cette réforme
B - La profession religieuse
1. dans les Vicariat Apost. de
2. dans les Vicariats Apost. de Phat-Diem et de Qui-Nhon
3. dans d’autres Vicariats Apost. (de Hué, Hanoi, Hung-Hoa, Bui-chu, Vinh)
4. L’approbation épiscopale et la confirmation pontificale
5. Conclusion : Le jugement de va leur sur ces réformes
C - Le costume religieux
1. De 1670 à la fin du 19e siècle.
en Cochinchine
au Tonkin
Conclusion
D - La clôture
1. 1670-1925 à peu près
Conclusion du §.1
Page 11
§.2- L’unification des maisons d’Amantes
de
A- Rapports entre les maisons d’Amantes de
1. Les
points convergents d’avant 1925.
2. Les
point divergents d’avant 1925.
B- Rapports entre les maisons du
même Vicariat Apost.
C- Les avantages et les désavantages
de cette situation.
D- L’unification des maisons du Vicariat Apost. De Phat-Diêm en
une Congrégation quasi-diocésaine en 1925.
Conclusion de l’Articles 3e sur les réformes.
Conclusion générale :
-
Sur les origines et
les activités des Amantes de
-
Sur le Statut
juridique et les réformes de l’Institut des
Amantes de
Épilogue : Les mérites des
Missionnaires de
[page 12]
Introduction :
La vie religieuse au Vietnam avant les
Amantes de
Quelques tentatives de l’évangélisation ont eu lieu au Vietnam, déjà au cours du |6e siècle. Les souverains du Tonkin favorisaient la propagation de la foi. Ils envoyaient des lettres d’invitation soit directement aux missionnaires franciscains qui se trouvaient à Macao(1) ; soit au vice-roi portugais de Goa; soit au Souverain Pontife même. Le manque de missionnaires n’a pas permis de répondre tout-de-suite à cet appel. le résultat obtenu par quelques missionnaires n’a point dépasse le cadre de quelques groupes restreints.
Parmi ces premières sympathies manifestées à la religion chrétienne, le cas de la princesse Mai-Hoa (dite Chèm) est un des plus caractéristiques. La princesse Chèm était la sœur majeure du roi Lê-thê-Tông, qui a régné de 1573 à 1599, et qui est monté sur le tronc, à l’âge de sept ans. À cause de son jeune âge, la princesse Chèm remplissait la fonction de régente.
En ce qui concerne la
prédication de la foi, la princesse Chèm a envoyé de multiples invitations aux
missionnaires, qui se trouvaient à Macao.
(1) En vietnamien : Ao-môn, (Province de Qouang-Toung, en Chine).
[page 13]
à Cua-Bang. Arrêté, il a été ensuite conduit au mandarin, et à la princesse Chèm, qui se trouvait à Antruong, dans la province actuelle de Thanh-Hoa. C’était en 1590.
Pleine d’admiration pour la père, la princesse manifesta son désir de se marier avec lui. L’union avec un homme d’une telle intelligence et d’une telle prestance, aurait pu l’aider à relever l’autorité de la dynastie « Lê », contre l’influence grandissante des « Chua Trinh ». Malgré l’avis d’un autre missionnaire franciscain, le père Joao Gonsalves, qui lui conseillait d’en demander à Rome la permission, le père Ordonez de Cevallos a toujours refusé l’offre. La princesse a fini par comprendre que le père ne pouvait se marier.
Elle lui a demandé alors de lui enseigner la religion ainsi qu’aux demoiselles de sa suite, et aussi aux filles habitant dans le palais royal. Le 22 mai 1591, elle recevait le baptême. Beaucoup d’autres filles du palais royal, à son exemple, l’ont fait de même. Le groupe était de soixante-douze personnes.
Par la suite la princesse a
laissé toutes ses dignités et fonctions pour fonder un couvent. De ce groupe,
cinquante-et-un ont fait la profession temporaire, le 26 juin 1591. Elles formaient
(1) M. l’abbé Nguyên-Hông, l’Histoire
de l’action missionnaire au Viêtnam, Édit.
Phuoc Son, Cho Quan (Cho Lon) 1959, pp. 24, 29, 31.
[page 14]
L’évangélisation du Vietnam (soit le
Tonkin ou le Nord et
Délimitation de cette étude :
Cette étude comprendra deux
grandes sections: la première est d’ordre
purement historique; l’autre, de caractère
juridique. L’examen historique portera sur les
origines des Amantes de
Mais l’étude sur l’état juridique
de cet Institut, sur son règlement, les modifications de ce règlement, les
mesures complémentaires, qui ont été ajoutées au fur et à mesure, et surtout
sur les réformes restera l’objectif central de
ce travail.
[page 15]
Nous n’indiquerons pas tous les points du règlement actuel, qui ne sont que l’application du Code du Droit canonique. Avant l’adaptation au code, beaucoup de choses manquaient au règlement. En évitant, de faire une simple répétition des canons du Code, nous essayerons de suivre les faits, pour en dégager le processus de l’évolution et des réformes successives.
Notre étude vise directement et
principalement les Amantes de
[page 16]
Ie SECTION
Les origines des Amantes de
CHAPITRE Ier
Le fondateur et les fondations.
Dès les débuts de la prédication
de la foi au Viêtnam(1),
une poussée de vitalité constante s’est manifestée dans des faits encourageants. En effet, à la
suite de nombreuses conversions, qui ont été opérées par les missionnaires de
(1) Composé de
[page 17]
Nous mentionnons ce fait, car l’institution des Amantes de
Article 1er : État de la question :
Ceci nous oriente déjà sur la
voie de la recherche du fondateur des Amantes de
(1) Les Pères Jésuites à cette époque ne pouvaient être promus
évêques, d’après les Constitutions. Ils ont continué
à travailler au Vietnam, à l’arrivée des
Vicaires Apostoliques, qui étaient de
[page 18]
a) Les Pères Jésuites n’ont pas fondé l’institut des Amantes de
En l’absence d’indices probants, nous pouvons affirmer que les Pères Jésuites n’ont pas fondé d’institut religieux de femmes. Monseigneur Henri Chappoulie (1), se prononçant sur ce point, affirme que les Pères Jésuites ont gardé une grande prudence, au sujet des femmes et des jeunes filles pour ne pas donner prise aux soupçons des mandarins. Le contexte social, au sujet du mariage, va nous le faire comprendre. Les quelques cent mille chrétiens se perdaient dans la masse des vingt millions environ d’habitants. Si une fille chrétienne refuse de devenir seconde femme d’un païen, on présente le litige devant le mandarin, qui donne raison au païen. Ainsi les grands et les riches avaient coutume de jeter leur dévolu sur des filles parfois fort jeunes, sans même chercher l’accord avec les parents. Les missionnaires conseillaient aux chrétiens de marier tôt leurs enfants, pour éviter ces sortes de rapts.
Par ailleurs, il n’était pas rare de voir des parents pauvres confier ou donner leurs enfants, surtout les filles qui ne pouvaient aider autant que les garçons, aux grands et aux riches. Ce fut pour ces parents une consolation de les tirer de leur propre condition de misère.
(1) Dans «Rome et les Missions d’Indochine» T.I., p.237.
[page 19]
Alors pour faire le vœu de virginité, les filles s’enfuyaient de leur village natal et même de leurs maisons, et, cherchaient refuge dans la maison d’une dame chrétienne. Et Mgr H. Chappoulie de conclure : «Les Jésuites ne souffraient cette manière de faire que dans les cas urgents et toujours pour peu de temps, craignant d’irriter les païens et de provoquer des calomnies»(1).
Par conséquent il n’est pas probable que les Pères Jésuites aient pensé à une
fondation de ce genre pour les femmes. Les relations faites par les Pères
Jésuites qui ont travaillé au Vietnam, n’en
portent pas de trace.
b) Ce fut l’œuvre des Missionnaires de
Le mérite en est dévolu aux missionnaires de la société des MEP. En cela, ils ont fait acte de courage, guidés uniquement par la raison et le zèle de promouvoir la gloire de Dieu.
(1) Marini, missioni p.223..
(2) MEP = Missions Étrangères de Paris.
[page 20]
Article 2e : Vers
a) Le fondateur principal, Mgr Pierre Lambert de
La fondation a eu pour auteur
principal Mgr Pierre Lambert de
Selon Mgr Louis De Cooman(2), et j’y adhère, le Père Deydier a probablement contribué à
rédiger le règlement des Amantes de
- Le Père Deydier songea à établir
les religieuses et dès 1667 il en écrivit à Mgr Lambert de
- Le synode tenu au Tonkin, sous
le présidence de Mgr Lambert de
- Plus tard nommé Vicaire
Apostolique du Tonkin Oriental, il forma dans plusieurs chrétientés des
religieuses Amantes de
(1) Arrivé au Tonkin en 1666 ; évêque d’Ascalon et Vic. Ap. du Tonkin Oriental de 1679 à 1693.
(2) Réformateur en 1925 des Amantes de
(3) Dans la lettre, qui n’a
été adressée de Voreppe (Isère), France, le 5 janvier 1960.
[page 21]
Nous avons une confirmation dans la phrase du Père Durand qui parle d’un début d’exécution de la vie religieuse, qui s’effectuait sous la direction, du Père Deydier (1).
Dans le numéro du Courrier
sino-annamite, paru en 1864 un texte laisse le lecteur dans la perplexité: «Les
Amantes de
Que faut-il en penser ? A la
date de 1864, les Pères Augustins ont cessé de venir dans le Tonkin Oriental,
déjà environ depuis un siècle. Après la division du Vicariat Apostolique du
Tonkin en Tonkin Occidental et en Tonkin Oriental, le premier a été confié aux
missionnaires de
(1) «Les Amantes de
(2) Correo Sino-annamitica, Manila Setiembre 1864, p.XXXI.
[page 22]
Des dissensions se sont
produites entre eux, et ont atteint au degré même de vraies révoltes. Les chrétiens,
qui étaient sous l’influence des Pères
augustins, ont défendu leurs Pères, à l’encontre
des Supérieurs Dominicains. Parmi ces chrétiens, figuraient les Amantes de
b) Les dispositions du fondateur.
Des deux Vicaires Apostoliques
destinés aux Missions du Vietnam, Mgr Pallu fut chargé du Tonkin et Mgr Lambert
de
Mais après avoir fait des
délibérations et des plans, l’un d’eux devait retourner en Europe. Les buts principaux
[page 23]
d’un tel voyage furent:
- d’obtenir à Rome de plus amples pouvoirs aux Vicaires
Apostoliques, qui n’étaient point reconnus par
les missionnaires d’obéissance portugaise (1)
- de demander l’extension de leur jurisdiction sur le Siam, auquel ils n’étaient point destinés. Ce pays n’était pas persécuteur comme le Vietnam. On pouvait par conséquent y établir les œuvres indispensables, comme le collège pour préparer les sujets destinés au sacerdoce, en attendant les meilleurs jours pour entrer au Vietnam.
Mgr Pallu, le plus solide des
deux, reprenait le chemin de Rome. Il quitta Juthia au commencement de 1665, un
an seulement après son arrivée. En son absence, Mgr Lambert de
Ce prélat était l’homme que
(1) A cette époque le Vietnam (Tonkin et Cochinchine)comme
mission dépendait de la jurisdiction de l’évêque
de Macao Lequel fut nommé exclusivement par le roi de Portugal, selon les
privilèges accordés par le Saint-Siège. Le Saint-Siège, en envoyant les
Vicaires Ap., ordonnait aux missionnaires de leur obéir, sans toutefois
supprimer les privilèges susdits. Ce fut une source de conflits violents.
[page 24]
Jeanne de Chantal, la
co-fondatrice avec Saint François des Sœurs de
C’est pourquoi dans l’œuvre missionnaire,
après qui la formation des prêtres autochtones ait déjà reçu des bases solides,
l’Église s’occupe
aussi de la fondation des congrégations de femmes. Ceci se vérifie encore ici. Le
collège pour former de jeunes gens destinés au sacerdoce fut établi au Siam en
1665. Mgr Lambert de
(1) Ann. Prop. Foi, T.XXVII, pp. 89-90.
[page 25]
en exécution, son projet de fonder une congrégation de femmes.
c) Les dispositions des femmes ou de jeunes filles.
A Juthia Mgr Lambert de
Les exemples sont multiples.
Citons tout d’abord un des cas les plus
caractéristiques, celui des trois fameuses vierges. Sous le règne du roi
Lê-thân-Tông, le Maître du palais, ou le «Chua» Trinh, de nom de Thanh dô Vuong(l),qui en fait gouvernait
le royaume du Tonkin, publia un édit de persécution, contre les chrétiens
soupçonnés de faire le jeu du «Chua» de
(1) Le Tonkin et
[page 26]
originaires de la région de l’Est, n’attendaient pas qu’on les découvrisse. Elles ont pris le chemin de la ville royale nommée Ke Cho(1), dans l’intention de professer devant l’autorité la sainte religion. Mais la persécution ne fut que de courte durée, car le Chua Trinh, détrompé de son erreur au sujet des soupçons jetés sur les chrétiens, a aboli l’édit de persécution, trois mois après sa publication. Les trois femmes arrivèrent au Ke Cho, quand l’édit de persécution a été déjà révoqué. Manquant l’occasion de souffrir pour la foi, elles ont pris la décision de ne plus se séparer, mais de rester toujours ensemble dans l’observance de la virginité. Cela se passa en 1640 (2). D’autres jeunes filles sont bientôt venues se rejoindre à elles. Au couvent de Bai vang(3) qui fut établi le premier, il existe cette tradition orale, que «c’était sans doute le groupe de ces trois filles qui fut à l’origine de cette maison»(4).
Vingt-sept ans après le groupement de ce premier noyau, le Père Deydier envoya cette lettre à son supérieur, Mgr Pallu : «Il me faut penser à faire des règlements pour deux maisons de filles et de quelques veuves qui veulent vivre en commun;
(1) Appelé ensuite Thang-long-Thanh, ou ville du dragon; et
de nos jours Ha-nôi ou (ville) à l’intérieur du
fleuve (rouge).
(2) M. L’abbé Nguyên-Hông
date de l’an 1643 les évènements, qui
correspondant bien à ceux-ci. Cf son livre:»l’hist. de l’ action
missionnaire au Viêt-Nam, éd. Phuoc-son, Cho-quan 1959, pp.220,272.
(3) Dans la province de Ha-dông.
(4) Fautrat, Résumé de l’hist.
eccles., (1ère édit. en 1880) 4. édit. Ke So 1915 p.117: et H. Ravier, Compendium
Hist. Eccles. Vol.III, Ninh-phu-Duong 1895, p.147.
[page 27]
mais je n’ai aucun livre pour m’aider à cela. Je pense que je puis en assembler près d’une trentaine qui ne respirent qu’après cela, mais comment pouvoir suffire à tout, con fesser tous les jours et nuits une quantité de personnes, tant de lettres à répondre.... Il me manque encore trois ou quatre jours de loisir pour achever un petit manuel do quatorze méditations pour deux semaines, et il y a plus de trois mois qu’il est dans le même état sans que j’ai pu l’achever»(1).
Le groupe a augmenté par
conséquent, jusqu’à en former deux
communautés. Ainsi un grand nombre de sujets bien disposés pour la vie
religieuse attendaient qu’on les dirigeât. Impatient
de voir sa Mission. Mgr Lambert de
(1) Launay HMT, T.I., Paris 1927, p.75,
[page 28]
Article 3e : Les Fondations.
Au Tonkin.
L’occasion de la première fondation fut le voyage de Mgr Lambert de
Avec beaucoup de précautions, il a pu entrer dans ce royaume. Il ordonna tout d’abord prêtres, quelques catéchistes, qui ont été préparés au sacerdoce par le Père Deydier. Il jeta ensuite les bases d’une congrégation pour les femmes originaires du pays.
Ce prélat avait l’intention de faire venir des religieuses d’Europe, pour les initier à la vie religieuse. Pour les deux
parties du Vietnam (Tonkin et Cochinchine), cela n’était pas
possible, en raison de la persécution persistantes. Plus tard il a voulu le
faire au Siam, car ce pays tolérait le libre exercice de la religion. Mais les
missionnaires s’y opposeront fermement, et Mgr
Lambert de
(1) Launay, HMS, Doc. hist., I Paris
1920, p.24.
[page 29]
Pour le moment, aux filles et
aux veuves qui se sont réunies, Mgr Lambert de
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Puisque le dessein de Dieu a, en
mourant pour le salut des hommes, est «de les obliger de mourir à eux-mêmes et
de ne plus vivre qu’à lui»(1), il est du devoir d’un pasteur, particulièrement dans une Église naissante, de
faire connaître cette vérité si peu connue aux chrétiens. C’est dans cette vue qu’ayant
cherché depuis plusieurs années les moyens qui peuvent conduire les fidèles à
une si haute entreprise, nous nous serions senti porté d’établir dans tous les lieux de nos missions une
Congrégation des Amateurs de
(1) Launay HMT, T.I., Paris 1927, pp.102-104. Du même: HMC,
I, pp.97-99. Le même règlement reproduit dans Revue hist. des Missions Paris
1930 (sept.)
pp.306-388. Hist. christianisme dans les Indes Or., p.53 et sq. Launay,
Hist.Soc.MEP, I, pp.142-144. H.Chappoulie, Rome et les Missions d’Indochine, T.I., p.237.
[page 30]
et pressées de l’amour de Jésus-Christ elles témoignèrent ardemment désirer
de savoir ce qu’elles pourraient faire pour se
consacrer totalement à son service. C’est la
voie dont il a plu à la divine bonté de se servir pour être les premiers
fondements de la vie religieuse au Tonkin et d’un
institut particulier qui portât pour devise celui des Amants de
La fin de cet Institut sera de faire profession spéciale de méditer tous les jours les souffrances de Jésus-Christ, comme moyen le plus avantageux pour parvenir à sa connaissance et à son amour.
Les EMPLOIS.
Le premier des emplois est d’unir continuellement leurs larmes, leurs oraisons et leurs pénitences aux mérites du Sauveur du monde, pour demander à Dieu la conversion des infidèles qui sont dans l’étendue des trois Vicariats Apostolique et particulièrement de ceux du Tonkin.
Le second est d’instruire les jeunes filles tant chrétiennes que païennes,
aux choses que les personnes de leur sexe doivent savoir; que si à raison des
affaires pressantes où se trouve la religion, cela ne se peut accomplir, elles
si
[page 31]
souviendront que lorsqu’elles le pourront ce doit être une de leurs principales occupations.
Le troisième est qu’elles auront soin des femmes et filles malades soit chrétiennes soit infidèles, afin de se servir de cette voie pour traiter avec elles des affaires de leur salut et de leur conversion.
Le quatrième: elles auront grand soin de baptiser dans les cas de nécessité les petite enfants qui seront en péril de mourir auparavant que de recevoir le baptême.
Le cinquième sera de faire leur possible pour tirer les femmes et les filles débauchées de leur mauvaise vie.
Les RÈGLES :
1er art. : Celles qui se trouvent appelées à cet Institut feront les trois vœux ordinaires de pauvreté, de chasteté et d’obéissance et n’y seront admises qu’après deux ans de probation.
2e art. : Elles ne pourront excéder dans chaque maison dans le temps présent le nombre de dix, y comprise la supérieure.
3e art.: La supérieure et les officières seront choisies par nous ou notre vicaire général après en avoir eu le sentiment de l’administration de la province où elles seront.
4e art. : Elles seront sujettes
pour le temporal à l’administrateur de la province sous le ressort duquel elles se
[page 32]
trouveront et lui rendront compte tous les ans de leur temporel.
5e art. : Comme elles sont dispensées de garder la clôture à cause de l’obligation spéciale qu’elles ont de s’appliquer par leur Institut au salut du prochain, elles sortiront pour ce sujet avec la permission de leur supérieure qui leur donnera toujours une compagne pour aller où elles seront envoyées.
6e art. : Elles s’occuperont toutes au travail manuel, le reste du temps qu’elles ne seront pas employées au service du prochain, à la réserve des jours de dimanche et des fêtes de précepte, auxquelles elles réciteront le rosaire de Notre-Dame et feront une demi-heure de lecture spirituelle soit de la vie des Saints, soit de quelqu’autre livre spirituel.
7e art.: Elles se retireront sur les neuf heures du soir, et feront un quart d’heure d’examen sur les actions de la journée et un quart d’heure de prières vocales; après quoi elles se coucheront.
8e art.: Elles se lèveront à quatre heure du matin pour faire
leur oraison, qu’elles commenceront par les
prières qui se font tous les dimanches en l’assemblée
des fidèles, ensuite de quoi elles feront une demi-heure de méditation sur les
réflexions qui ont été dressées
à ce sujet sur
[page 33]
et ensuite elles réciteront les Litanies des Saints, le «confiteor», le «misereatur», après quoi elles diront l’antienne «Christus factus est pro nobis obediens usque ad mortem, mortem autem crucis», qu’elles répéteront après le «Miserere», pendant laquelle l’antienne et l’oraison «Respice» elles prendront la discipline en mémoire de cruels tourments que le Fils de Dieu a endurés, joignant ce petit sacrifier aux vues et aux motifs qu’il aurait eus, les souffrant, et qu’il désire que nous ayons. Que s’il y avait quelque raison qui empêchait de faire cette pénitence en commun ou de cette manière, elles satisferont à cette obligation en prenant quelque chaîne ou en pratiquant quelqu’autre pénitence par l’avis de leur confesseur qui égalât celle de la discipline.
9e art. : Le dimanche des
Rameaux et les quatre jours suivants elles doubleront la pénitence ordinaire et
le vendredi-saint on la triplera pour solenniser le temps de
10e art. : Les jours de la
circoncision, de l’Invention et de l’Exaltation de
11e art.: Elles ne feront
que deux repas tous les jours: un le matin et l’autre
le soir et garderont une perpétuelle abstinence de chair toute leur vie, à la
réserve des jours de Noël, de Pâques et de Pentecôte.
[page 34]
12e art.: Elles jeûneront tous les vendredis en mémoire des souffrances et de la mort de Notre Seigneur Jésus Christ, auxquels jours, de même qu’aux jours de jeûne, elles ne mangeront auparavant dix heures du matin.
13e art.: Les femmes et les filles pénitentes, qui voudront embrasser cet Institut, auront les mêmes fins, les mêmes emplois, les mêmes obligations et les mêmes règles; mais elles feront une maison et une communauté séparées et leur Supérieure sera toujours prise de celles qui n’auront jamais failli.
14e art.: Le patron de cet Institut sera toujours le glorieux saint Joseph par l’intercession duquel on demandera à Dieu son établissement, son progrès et sa perfection .
Les présents Statuts ont été
dressés par Nous Évêque de Bérythe (ou Bérite), Vicaire Apostolique, en faveur des femmes et des filles
dévotes et pénitentes, lesquelles auraient depuis longtemps fait vœu de
chasteté ou le feront après, dans ce royaume du Tonkin et de tous les lieux des
trois Vicariats Apostoliques de
(1) Ce sont les trois Vicariats Apost. de
[page 35]
Fait au Tonkin ce... février 1670.
Notons en passant que l’approbation épiscopale de l’Institut
des Amantes de
A la jeune Congrégation, l’évêque porta toute sa sollicitude. Nous le remarquons dans ces lignes qu’il écrivit aux deux premières religieuses, qui aient fait profession, et qui furent sans doute deux Supérieures(1).
«J’eusse désiré vous entretenir après vos vœux que vous fîtes publiquement le jour des cendres, en ma présence pour vous dire encore quelque-chose de la grandeur de votre état et de la perfection à laquelle la miséricorde de Dieu vous appelle, mais ayant été obligé de partir ce jour-là pour faire mon retour j’ai eu pensée de vous écrire ce mot pour vous avertir que vous n’êtes plus à vous, mais tout à Jésus-Christ, auquel vous vous êtes totalement données, pour ne vaquer plus désormais qu’à sa connaissance et à son amour par la méditation et imitation de sa vie souffrante et par l’application aux obligations de votre Institut, auquel je vous exhorte autant que je le puis d’être fidèles, sachant
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927 p.
104; pour «religieuses supérieures» cf. p.326.
[page 36]
bien le grand avantage que vous en recevrez et toute cette Église.»
«Je vous recommande aussi très particulièrement d’avoir un soin extrême de vos novices que vous devrez considérer comme des sacrés dépôts que Dieu vous a mis entre les mains. Souvenez-vous de leur inculquer souvent la principale fin de votre Institut, qui est de constituer la vie souffrants de Jésus-Christ en elles et de lui demander tous les jours, par vos oraisons, vos larmes, vos emplois, vos sacrifices, la conversion des infidèles et celle des mauvais chrétiens. Mais il importe extrêmement de pratiquer toutes les choses en la place de Jésus-Christ, lequel les désirant les faire par lui-même et ne le pouvant pas, se sert de certaines personnes choisies, qu’il remplit de son esprit de médiateur pour continuer ainsi sa vie voyagère et de sacrifice jusqu’à la consommation des siècles.»
«Vous voyez par là la grandeur de votre vocation et que vous êtes mortes au monde, c’est-à-dire aux sens, à la nature, et à la raison humaine pour ne vivre désormais que des maximes, des pratiques et de la vie de Jésus-Christ.»
A la barre du Tonkin, ce 26 février 1670.
La présence de sujets
merveilleusement disposés a ainsi permis à Mgr Lambert de
[page 37]
l’ordre pour ainsi dire de fonder également une Congrégation pour les
hommes, qui auraient porté le même nom d’Amateurs
ou d’Amants de
Sous le titre de «nouvelles vues
d’un missionnaire, touchant l’établissement d’une
Congrégation des Amateurs de Jésus-Christ», nous trouvons ces notes de Mgr
Lambert de
Pour concrétiser cette exigence,
continue l’évêque, il faut que «tous les jours
sur le soir et dans la nuit, dans le temps d’oraison,
je prisse la discipline d’un Miserere pour solenniser
son grand sacrifice de
La pratique de cette discipline devrait être continuée par des hommes appartenant à une Congrégation, qui pouvait
(1) H. Chappoulie, Rome et
Les Missions d’Indochine, T.I., p.236, note 1.
(2) Launay, HMT, I, pp.106-108.
[page 38]
par cette raison être appelée
Le but de cette Société est de
procurer l’amour pratique de
Les obligations sont au nombre de six :
- Enseigner et suivre la voie étroite de l’évangile.
- Fréquenter le plus souvent possible les sacrements.
- Méditer tous les jours pendant une demi-heure sur la vie souffrante, la passion, et la mort de Jésus-Christ.
- Faire la discipline quotidienne, durant le temps d’un Miserere, sur le soir ou dans la nuit. Cette pratique sera doublée ou triplée pendant la semaine sainte.
- Observer le jeûne tous les vendredis...
- Faire profession spéciale d’aimer les ennemis...
Ces obligations visent à faire le plus grand bien possible en cette vie, c’est-à-dire l’aumône spirituelle, l’oraison, le jeûne, la pénitence, la dilection parfaite de ses ennemis et l’union actuelle aux souffrances de Jésus-Christ.
Le nom d’Amants ou d’Amateurs de
(1) Article 21ème du
Synode, dans Launay, HMT, I, p.97.
[page 39]
Les choses en étaient là pour la branche d’hommes. On ne sait si jamais il y a eu de candidats; aucune suite n’a été signalée sur son développement, dans les documents historiques, ni dans les lettres des missionnaires de l’époque. Nous n’avons donc plus à y revenir.
Cette première tournée
missionnaire de Mgr Lambert de
Mgr Lambert de
(1) Article 18ème du
Synode, dans Launay, HMT, Paris 1927, I, p.96.
(2) Arrivé au Tonkin en
1669.
[page 40]
Religieuses, de la lettre
circulaire, dans laquelle est inclus le Règlement. Sur ce point s’accordent tous les spécialistes de la question (1). Par deux fois
seulement est signalée la date de 1669 (2). Ici les auteurs se sont contentés d’avancer la date, qui fut celle de l’arrivée au Tonkin de Mgr Lambert de
En Cochinchine : ou actuellement dans le Sud-Vietnam.
La deuxième fondation a eu lieu
dans le Vicariat Apostolique de
(1) Bulletin MEP, sept.1922, p.508-509; avril 1931,
pp.295-296.
(2) Sur les Amantes de
[page 41]
visiter ses chrétientés. Les étapes qu’il parcourait successivement furent de Nha-Trang à Nha-ru (1), du Phuyên à Qui-Nhon, du Quang-Nghia (ou Quang-Ngai) à Tourane(2).
Il est resté plus de deux mois à Quang-Nghia. La chrétienté de Quang-Nghia, à l’avis des missionnaires, fut la chrétienté la plus florissante et attachante:
«Entre toutes les autres Églises
de
(1) Appelé aussi Binh-Khang.
(2) Appelé autrefois Cua Han et de nos jours Da nang.
(3) «An-Si» dans Launay, HMC, I, p.97, en raison de la francisation du «ch»;
(4) Revue-hist. des
Missions, Paris 1930 (sept.), p.391.
[page 42]
Il n’y avait donc pas de milieu plus favorable pour installer la première communauté des
Amantes de
Les filles au nombre de 5 ou 8 s’égalaient en ferveur avec les Amantes de
«Elles répondirent à tout avec
tant de candeur et de modestie, que tous ceux qui étaient présents demeurèrent
d’une part charmés de leur manière d’agir, et de l’autre
pleinement convaincus de la force de là grâce dont leurs âmes avaient été
prévenues. Nous fûmes si pénétrés de l’impression
qu’elles firent dans ce moment sur les nôtres,
que je ne sais s’il y aura jamais rien qui
nous anime plus doucement et plus fortement à notre propre perfection; car
enfin ces discours angéliques que nous entendîmes élèvent l’esprit au-dessus de lui-même, et donnent un goût ineffable
de Dieu, qui ôte le sentiment de toutes les choses d’ici-bas.»(1)
(1) Launay, HMC, I, p.96 et sq.
[page 43]
Au Siam:
Rentré au Siam de son voyage en
Cochinchine, Mgr Lambert de
Il est clair par conséquent que
la fondation des Amantes de
(1) Launay, HMS, pp.10-19. Cf. Hist. christianisme dans les Indes Or., p.125.
(2) Launay, HMS, Doc hist.,
I, p.24.
[page 44]
1671. Or par deux fois, nous
relevons la date de 1670, au
sujet de l’établissement des Amantes de An Croix au Siam(1). Il semble que dans
ces cas les auteurs ne réfèrent tout simplement à la première fondation, qui se faisait au Tonkin, sans s’occuper de dater avec exactitude chaque fondation séparée. En
tout cas, les documents sont d’une telle
clarté à ne laisser là-dessus aucun doute.
Pour compléter cette série des
fondations, ajoutons l’ouverture des maisons d’Amantes de
Pulo-Penang est une île de commerce, où les gens de tout horizon se
côtoyaient: et il en est encore ainsi de nos jours. Les mœurs y étaient si
dissolues que les Sœurs Amantes de
(1) Compte-rendu MEP 1933,
p.193; et Bulletin MEP 1956 (juillet), p.667.
[page 45]
(1786-1811). Nous en avons le souvenir dans ce texte:
«En commençant son épiscopat,
Mgr Garnault se préoccupa des âmes, les plus ferventes, désireuses de consacrer
à Dieu leur vie entière, il groupa deux ou trois jeunes filles, une veuve qui
est à la tête du couvent et les soumit au règlement des Amantes de
Quant au Cambodge, qui sera érigé en Vicariat Apostolique de Phnom-Penh, dans la première moitié du vingtième siècle, son essor chrétien suivit, pas-à-pas, quoique beaucoup plus lentement, celui de l’Église de Vietnam. De puis ce temps jusqu’à de nos jours, les quelque cent mille chrétiens ou plus, dont il est composé, sont de souche Vietnamienne, à l’exception de trois milliers environ.
Le premier couvent du Cambodge a été établi en 1772, par le Père Levavasseur. Un certain nombre de textes nous permet de suivre la marche de cette maison, dès sa genèse à sa disparition due au manque de vocation (2).
(1) Launay, HMS. Doc. Hist., I, Paris 1920, p.173 et II, p.3.. et sq. . Lettere originali, II, p.228.
(2) Launay, HMC, II, Paris 1924 , pp.433(Lettres
de Mgr Piquel et du P. Boiret); III Paris 1925, pp. 146 (lettres
du P. Levavasseur), 147 (lettre de Mgr Pigneaux),
270 (lettres de Mgr Pigneaux et du P. Le
Labousse), 466 (Lettre de Mgr Labartette),
448.- Louvet, Cochinchine rel., I, pp.371, 444.
NLE, VII, p.392.
[page 46]
Après plus de deux siècles, à
compter de la première fondation, les Amantes de
Au Japon :
Signalons à titre de
renseignement, la fondation des Amantes de
Les Amantes de
(1) Bulletin MEP 1927 (juillet), pp. 450-451.
[page 47]
genre de vie, et les emplois de ces religieuses:
«... Les catéchismes-femmes,
vivant dans leur famille, manquaient plus que les hommes du temps, et de la
liberté nécessaire pour faire un travail régulier. Il (1) résolut alors, avec
la permission de son évêque, de réunir dans ses deux résidences centrales en communauté,
sous le nom d’Amantes de
Le motif du choix du nom «Amantes
de
Le motif de ce choix est à rechercher dans la spiritualité
même du Fondateur. En effet à la
lecture des textes concernant la fondation, on est frappé par la grande
vénération, chez Mgr Lambert de
(1) Le Père Pélu.
(2) Compte-rendu MEP 1919:
Nécrologie. M. Pélu, p.139.
Pour
plus de détails, voir «Amantes de
[page 48]
qui montrent une grande
reconnaissance au Christ crucifié. C’est sur
ce fond religieux qu’ont été élaboré, à l’usage des chrétiens Vietnamiens, les Méditations sur
De ce culte envers le Christ
crucifié, où se rencontraient Mgr Lambert de
(1) Respectivement les Méditations sur le «Pourquoi» de
(2) Lettre envoyée à moi-même, le 9/IV/1960, de Voreppe (Isère - France).
[page 49]
Article 4ème - L’approbation
épiscopale et la confirmation pontificale du double institut des Amantes de
L’approbation de l’Institut des Amants de
1- Les Vicaires Apostoliques de
«Nous Vous donnons la faculté d’étendre votre administration sur d’autres provinces les plus proches de votre Vicariat, dans le cas où l’un des vénérables Frères, Pierre Pallu, évêque d’Héliopolis, créé par Nous Vicaire Apostolique du Tonkin, avec l’administration des provinces de Junnan, Kouy-tcheou, Hou-quang, Se-tchoan, Kuoang-si et Laos, et l’évêque Nous allons envoyer pour le Vicariat de Nankin en Chine, avec l’administration des provinces de Pékin, de Xan-si, de Xen-si, de Xan-tong, de Corée et de Tartarie viendrait à mourir ou à manquer» (1).
(1) Hist. Soc. MEP, I,
Paris 1894, pp.41-43.
Le
même texte en latin dans HMC, I, Paris 1923,
pp.9-10 et dans HMT, I, Paris 1927, pp.3-4.
[page 50]
Le même texte se trouve, mutatis mutandis, dans les facultés accordées aux deux autres Vicaires Apostoliques du Tonkin et de Nankin.
2. Mgr Pallu Vicaire
Apostolique du Tonkin a confié sa Mission à Mgr Lambert de
a-Premièrement il leur ordonna
en 1679 d’interdire toute autre Confrérie, en
dehors de
b-Deuxièmement il leur indiqua
la manière de demander au Saint-Siège, la confirmation de ce double Institut. Pour
les Religieuses Amantes de
Dès son retour au Siam (Thaïlande), après le
voyage du Tonkin, Mgr Lambert de
(1) Cf. Supra p.23.
[page 51]
reconnaissance du double
Institut des Amants de
«Si cette nouvelle (sur le nombre des missionnaires et des prêtres ou séminaristes autochtones) vous est agréable, ... celle que que vous apprendrez que quelques femmes veuves pieuses ont jeté les fondements de la vie religieuse en ce royaume-là (le Tonkin), ne le sera pas moins.»
«Ayant examiné leur grâce, leur attrait, la conduite de Dieu sur elles et leurs pratiques depuis quelques années, je leur ai donné les Statuts que j’adresse au Saint-Siège, pour les exposer à sa censure, et en obtenir la confirmation, s’il le juge à propos.»
«Je me sers de cette occasion
pour demander à sa Sainteté l’approbation d’une Congrégation des Amateurs de
Mgr Lambert de
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.
111.
[page 52]
En 1605, les Vicaires
Apostoliques du Tonkin et de
«Septimum respicit ea quae ab Illustr. episcopo Berythensi in Tunchino gesta sunt. Petitur ergo, illius proesulis nomine, ut Sacra Congregatio dignetur examini suo subjicere brevem Synodum, 34 articulis distinctam, quam pro instituenda Ecclesiae Tunchinensis disciplina tenuit, una cum ordine inter ministros ad ejusdem Ecclesiae regimen constituto, tum duplicis Institu ti formam, quorum aliud coeptum est in gratiam plebis christia nae, quae reperitur in missionum locis. Isti enim homines cum speciali erga mortem crucemque Domini Jesu amore affecti sunt, non abs re fuit tam solidam fovere devotionem. Quamvis autem hujusmodi Societas jam videatur multis accepta, indiget tamen Sanctae Sedis approbatione ac indulgentiis quas Summus Pontifec iis qui in eam sunt cooptandi elargiri dignatus fuerit, ut plenitudinem gratiae, fortitudinemque sibi necessariam valeat adipisci.»
«Aliud vevo Institutum,
directum est in favorem piarum mulierum quae in Tunchino videntur aliquem
praestolatae a pluribus annis, qui perfectioris vitae viam ipsis demonstraret.
Illarum igitur vocationem, studium in iis quae Dei sunt animi, corporis
fortunaeque dotes ac caeleste insuper erga illas Dei consilium perscrutatus
episcopus Berythensis non abnuendum duxit, quin ea quae coeperant obsequendi
Deo ratione pergerent quibusdam superadditis regulis.»
[page 53]
«Supradictae Synodi exemplar et duplicis illius Instituti regulas misit supradictas Episcopus Berythensis ad EE Cardina les de Propaganda Fide ex urbe Siamensi, anno 1670, ut omnia Summi Pontificis, approbationi subjiciantur. Quod si non respua tur, supplicat humillime dictus Illustr. Episcopus, ut Sedes Apostolica illa pontificia auctoritate confirmet, non quasi religiones hominum et mulierum voto solemni sese astringontium, sed tamquam Societas eorumdem voto simplici Deo sese voventium, indulgentiasque ipsis pro suo beneplacito elargiatur.»
«... et supradictis mulieribus, ac catechistis, die quo adscribentur supradictis Societati et gradui, votoque astrin gentur, diebusque SS. Joseph Franciscique Xaverii, indulgentia plenaria concedatur.»(1)
Cette deuxième demande d’approbation fut plutôt un rapport, où les Vicaires
Apostoliques du Tonkin et de
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927,
p.351.
[page 54]
Le 21 mars 1678 le Saint-Siège
accorda pour la première fois les indulgences aux Amants de
Ensuite le texte du Décret du 23
août 1670 allait préciser les jours où les membres du double Institut des
Amants de
À partir de cette date,
[page 55]
ont rappelé en 1685, dans leur
rapport à
Conclusion :
L’établissement des
Amantes de
L’établissement «les Amantes de
«Les esprits incrédules regarderont ces évènements comme naturels; mais quoiqu’il en soit, ceux qui en furent témoins oculaires, y reconnurent la main de Dieu, et sa Providence les fit servir à l’accroissement de la foi et de la piété.»(1)
Parmi ceux qui ont su voir la
main de Dieu à travers ces évènements, où il s’agit
directement de sa gloire, Mgr Lambert de
(1) Hist. christianisme dans les Indes Or., Paris 1803,
p.89.
[page 56]
-dente de la spéciale miséricorde de Dieu» sur elles (1).
En réalité quoi de plus plausible que l’établissement d’une Congrégation pour les femmes, dans un pays où celles-ci ont été considérées comme des mineures ou des incapables. Les femmes se virent souvent réduites au même rang que les enfants. Les riches et les puissants en acquièrent un nombre de femmes aussi grand que leurs revenus le permettaient. En un mot les femmes n’étaient bonnes qu’à servir les hommes.
De cette conception on passa bien naturellement à les traiter comme telles. Mais il n’y avait pas que du mal. A cause de cette limitation sociale, la femme se fixa au foyer, en y développant ses vertus d’épouse et de ménagère. Ce qui a assuré au Vietnam une institution conjugale stable et une atmosphère morale saine.
Les femmes Vietnamiennes pouvaient se montrer fières par rapport aux femmes Chinoises. La grande Chine est restée pendant des siècles, aux yeux des Vietnamiens, le seul pays civilisé du monde entier. Cependant les femmes y étaient traitées en esclaves, selon l’avis des missionnaires.
Mais aux uns comme aux autres, la valeur de la virginité fut inconnue. En apprenant à tous leur vraie vocation de créa tures de Dieu, et, en instituant des vierges chrétiennes, l’Église apporte, par là-même, sa mission civilisatrice, et découvre aux hommes ce qu’il y a de meilleur en eux. Ces lignes du Père Launay nous fait saisir, au plus profond, le sens de la virginité, dans un monde où le Christ est absent:
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927,
p.101.
[page 57]
«La virginité est la fleur de la
pudicité, elle en est le rayon le plus pur, la parfum le plus délicat. Les
peuples les plus corrompus l’ont tous tenue en
singulière estime. Rome avait ses vestales au long vêtement blanc;
mot, et la mère a quelque droit
au respect de ses fils.»
«Mais mêlées à ces dernières leurs que l’âme de l’homme a gardées, vestiges du soleil éclatant qui l’illumina à son origine, que d’ombres ou plutôt que de ténèbres! Pour n’être pas absolument ni dégradée, ni avilie, la femme d’Extrême-Orient n’est nulle part, au sens chrétien du mot, la compagne de l’homme. Elle est ordinairement traitée en inférieure par son mari, ne sait ni lire ni écrire, ne connaît que sa cuisine et quelques prières qu’elle marmotte sans les comprendre; la polygamie est dans les hauts rangs de la société et le divorce trop fréquent.»(1)
(1) Launay, Hist., Soc. MEP, I, Paris 1894, p.142.
[page 58]
CHAPITRE 2ème
La subsistance des Amantes de
Dès ses premiers moments, l’Institut des Amantes de
Mais l’Eglise du Viêtnam, à peine né, a été violemment
persécutée. Cela dura, c’est presque inouï,
pas moins de trois siècles, dans nos tenps modernes. Les Amantes de
Après un premier article consacré
à l’étude de la vocation, nous diviserons ce
chapitre en quatre périodes. Nous prendrons comme ossature, le cadre naturel
des siècles, auquel correspond
[page 59]
assez bien le groupement des faits. Par conséquent, nous aurons cinq articles :
Art. 1er : La vocation.
Art. 2e : Ière Période, 1670-l700, de la fondation à la fin du dix-septième siècle.
Art. 3e : 2e Période, période de paix relative, coupée d’intermittentes persécutions; le dix-huitième siècle.
Art. 4e : Le dix-neuvième siècle, période de grandes persécutions.
Art. 5e : à partir de 1900 ..., période de restauration.
Article Ier : Les Vocations :
Au lendemain de l’établissement des Amantes de
Mgr Lambert de
« Je reviens au mois de mai dernier de ma chère Cochinchine, où je visitai tous les fidèles dans plusieurs provinces, avec une joie indicible. J’y ai vu une communauté de vierges qui vont à Dieu d’une haute manière, et, qui ont besoin qu’on mette des bornes à leur ferveur. »(1)
(1)Launay, HMC, I, Paris 1923, p.198.
[page 60]
En plus, les missionnaires, le Père Deydier au Tonkin (au Vietnam-Nord), les Pères Vachet, Mahot et de Courtaulin en Cochinchine (ou Vietnam-Sud) se partageaient la joie de constater le développement de l’Institut. Voyant tant d’enthousiasme chez les sujets, le Père de Courtaulin s’exclama ainsi :
« O aimable Jésus, voilà tant de vierges qui attendent à votre porte avec leurs lampes garnies, elles sont prêtes d’entrer tout aussi tôt que vous leur ouvrirez le chemin de la perfection. »(1)
L’espoir des missionnaires ne fut pas sans motif ; car les vocations étaient plus que suffisantes pour un commencement.
Au Tonkin, trois ans avant la fondation, trente continentes ont été déjà réunies. En Cochinchine, le chiffre initial était de huit, mais les vocations commençaient à se montrer un peu partout, dans les milieux déjà évangélisés et parfois dans les milieux non encore évangélisés.
Le départ en religion suscita des cas dramatiques et des actes d’héroïsme proprement dit.
À trois ans de la fondation en
Cochinchine, le Père de Courtaulin envoya ce rapport à Mgr Lambert de
(1) Ibi., p.170.
[page 61]
ses parents à se marier, a
quitté sa maison et s’est rendue auprès du
Père Mahot, dans l’intention de se joindre aux
filles Amantes de
Le Père Mahot a cherché à arranger les choses à l’amiable, en raison de son jeune âge : elle avait dix-sept ans. Il a convoqué ses parents et la leur a rendue, après avoir obtenu d’eux des promesses nécessaires.
Malgré cela, la fille n’a pu jamais se le persuader ; elle dit au Père Mahot, en présence de ses parents :
«J’obéis, mon Père, puisque vous me l’ordonnez, mais en obéissant, souffrez que je vous découvre l’appréhension où je suis. On me laissera peut-être en repos quelques mois et dans la suite on m’obligera peut-être malgré moi à faire ce que je ne veux pas ; je sais que ce n’est pas à présent leur intention (de ses parents), mais pouvez-vous me répondre de l’avenir ? Je vous charge de tous les événements, c’est à vous de m’obtenir la grâce de persévérer, puisque c’est vous qui m’exposez au péril de perdre ma vocation. »(1)
« Surpris et édifié », le Père Mahot resta cependant sur sa décision, et, la remit à ses parents.
Le même Père de Courtaulin nous relate encore ceci, à la même date :
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923,
p.171.
[page 62]
« À Diem-Dien, dans la maison de Bà (Madame) Lucia, le 22 juillet (1674), nous avons vu deux filles qui méritent bien de trouver place dans cette relation. Toutes deux ont fait voeu de chasteté depuis quatre ans : l’une, pour des raisons pertinentes, a demandé à M. Mahot la permutation de son voeu, et, l’a obtenu ; son père plutôt chrétien de nom que de fait, la voulut obliger d’épouser un gentil, ce que la fille a rejeté avec tant de courage que pendant une heure le père déchargea sur elle des coups de bâton terribles dont j’ai été témoin, à cause que sa maison était joignant l’église. »
« L’autre persiste dans sa résolution; cependant, pour éviter la persécution de ses frères, elle s’est fiancée à un chrétien, nais avec la résolution de ne pas passer outre. Après avoir avoué sa faute, elle a obtenu le consentement de sa mère pour refuser ce parti, et mêm pour conserver sa virginité ; mais elle aura bien une autre épreuve à souffrir de la part de ses frères, d’ici deux ou trois mois que son fiancé reviendra ; elle a pourtant promis qu’elle s’enfuira à Quang-Nghia pour s’enfermer avec les vierges qui y vivent et M. Mahot y a consenti. C’est une fille fort bien faite et riche en son particulier. »(1)
La fuite de la maison paternelle devenait souvent le seul moyen pour s’échapper au monde. Dans un pays récemment
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923, p.170.
[page 63]
christianisé, cela ne manqua pas d’étonner les missionnaires. Ainsi une certaine « Anne », âgée de vingt-deux ans et originaire du village de Ke-Giao a tenu bon, après des scènes de violence où son pèle la chargeait de coups jusqu’à son épanouissment. Refusant de se marier, et allant contre la volonté de son père, elle n’a pu lui échapper que par la fuite(1).
Nous voyons par là que l’opposition des parents atteignait même au degré de la brutalité. En sommes on força les filles à se narier pour les détourner de la vocation ; un les battit sans pitié.
Mais
si ces cas exceptionnels attirent notre attention, d’autres cas
favorables à la vocation nous édifient encore davantage. À Ke-Rien l’église a été faite et donnée aux chrétiens pour s’y assembler par un
bon chrétien nommé Paul « qui depuis dix ou douze ans vit en continence, sa femme ayant fait
une maison à part où elle élève quelques filles dans les exercices des Amantes
de
Cette
affluence vers les couvents explique le developpement rapide de
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.350.
(2) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.320.
(3) Launay, HMC, II, Paris 1924, p.433; ibid. III,
Paris 1925, p.146 - NLE, VII, pp.201, 377; VIII, p.
381. Circulaires des Vicaires Ap. du Tonkin Occid., II, Ke-So 1924, p.93.
[page 64]
Occidental prescrivait un sévère examen pour bien choisir les sujets.
Les sujets qui se présentaient à la vie religieuse, furent ainsi classés, par Mgr Retord, Vic. Ap. du Tonkin Occidental (1839-1958):
1 - «Les infortunées qui s’étaient perdues dans le monde et que la grâce a touchées et ramenées à la vertu.»
2 - «Les âmes intéressantes qui abandonnent leur famille pour fuir le précipice dans lequel on voulait les jeter, la contagion de l’idolâtrie qui menaçait leur innocence et leur foi.»
3 - «Les belles âmes qui, sans autre motif que d’opérer plus sûrement leur salut et de s’élever à une plus haute perfection, quittent le monde et ses attraits pour mener une vie pauvre et laborieuse, pénitente et mortifiée.»(1)
Bref, les vocations n’ont jamais manqué. L’accroissement constant que nous signalerons à la fin de chaque époque, en est la preuve.
(1) Ann. Prop. Foi, XIX, p.315-316.
[page 65]
Article 2e :
(De la fondation à la fin du dix-septième siècle)
Période de développement.
La marche de
Pendant ces premières trente
années, toute l’attention des Amantes de
Toutefois grâce à l’enthousiasme des premiers temps,
Cette première période fut donc une période de développement et de stabilisation.
[page 66]
Le genre de vie.
De nos jours, quand on veut
fonder un Institut, il faut s’assurer, entre
autres, des moyens de vivre. Le supérieur compétent ne peut permettre la
fondation, sans qu’il y ait quelque fonds
matériel. Les choses n’en furent pas ainsi, à
l’époque où nous nous trouvons. Qu’en était-il donc des Amantes de
Les lettres ou relations des
missionnaires de l’époque nous permettent d’établir quel fut leur genre de vie. Leurs conditions de vie
n’avaient rien de comparable avec celles dos
monastères d’Europe, qui, avant d’être sécularisés, regorgeaient de biens. Les Amantes de
Les missionnaires étaient pour
elles
(1) Pendant deux siècles et demi environ, elles n’ont pas fait de profession.
(2) Launay, HMT, I, Paris 1927,
p.106.
[page 67]
Répondant à l’appel des missionnaires ou des prêtres nationaux, les
chrétiens leur venaient aussi en aide. Leur participation fut assez notable. La
fondation en Cochinchine a été faite, grâce à l’offrande
d’une veuve chrétienne, Madame Luce Ky(1). Au Tonkin, à la
demande de Mgr Deydier(2), les chrétiens ont fourni, vers 1682, le nécessaire aux
Amantes de
«Un jour que j’étais chez elle, on vint l’arrêter comme chrétienne je lui dis qu’il fallait qu’elle cachât en terre son or et son argent; elle se mit à rire et répondit : «Je ne pouvais trouver une meilleure occasion de perdre tout mon bien
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923,
pp.95-96.
(2) Vicaire Ap. du Tonkin Oriental: 1679-1693.
(3) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.350.
(4) Actuellement Cho-Moi à Nha-Trang, Viêtnam-Sud.
(5) Actuellement Hôi-an dans le Quang-Nam, Viêtnam-Sud.
[page 68]
que celle-ci et pourquoi
voulez-vous l’empêcher, mon Père ?- Je
lui répétai que je ne voulais pas qu’elle
perdît son bien et qu’elle ne donnât la clef
de ses coffres. Elle obéit et me jeta la clef négligement. Je pris donc or et
argent pour le cacher et me disposai à descendre en bateau de peur de lui être
occasion de mauvais traitement ; elle se rit de moi et me dit : « Ah !
Père, vous avez donc peur ? si ce n’est
qu’à mon occasion, restez ici, car je ne veux
pas fuir la persécution, ni même la mort ; si vous m’êtes occasion de souffrir la mort pour Jésus-Christ, n’en devez-vous pas être bien aise : restez et ne sortez
pas. J’admirai cette force et ne sortis pas.
Cependant elle a tant d’amis à la cour que le
roi s’apaisa et laissa là l’affaire… »(1)
Le couvent de Faifo, en plus de
ces subventions matérielles, a accueilli parmi ses premiers membres,
probablement les filles de sa sœur (de Madame
cai-Vach-Dich) abandonnée de son mari,
quelques veuves réunies par la même bienfaitrice dans sa maison, peut-être
aussi sa sœur déjà désignée par elle pour s’occuper
des questions matérielles du couvent et Madame Cai-Vach-Dich elle-même.
Mentionnons encore « la bonne
veuve » qui offrit son jardin, pour reconstruire le couvent de Faifo
détruit lors de la persécution de 1692 (2).
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923, pp.
(2) Ibid., p. 288.
[page 69]
Le travail était l’autre moyen pour soutenir leur existence. Le 2 décembre
1677, le Père Deydier écrivit à sa soeur que les Amantes de
Deux années après, le Père de Courtaulin donnait plus de précision au sujet du traivail des Soeurs:
«Le travail y est (2)continuel, car elles gagnent leur vie à faire des toiles qu’elles envoient vendre par une bonne vieille, qui est chargée de faire leurs affaires extérieures...»
En temps de paix le travail des coeurs, conjointement avec quelques aumônes leur aurait assuré une honnête existence. Mais l’insécurité venant de la persécution ou des guerre civiles avec leurs vicissitudes empêchait de faire de l’économie pour l’avenir. Los Soeurs devaient donc travailler pour essayer de se suffire à elles-mêmes.
Telles sont les moyens par
lesquels les Amantes de
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.196.
(2) Au couvent de Faïfo, où étaient regroupées les
Religieuses du premier couvent de An-chi au Quang-Nghia. Dans Launay, HMC, I,
Paris 1923, p.252.
[page 70]
La vie spirituelle, la sanctification.
Au milieu de ces soucis d’ordre vital, la possibilité de vaquer à la prière et à la
sanctification aurait pu être réduite, mais il n’en était rien. Relativement loin du monde, dont la séparation n’était marquée par aucun signe extérieur, les Amantes de
La prière consista surtout dans la récitation de longues prières en commun. La méditation ou l’oraison mentale avait sa place, mais elle était sans doute assez peu personnelle, du fait que les Soeurs ne savaient pas lire et ignoraient les réalités de la vie spirituelle. Au Tonkin, le Père Deydiers, voyant la nécessité de les diriger, avait passé le peu de temps libre à composer des méditations pour elles. Il organisa aussi des retraites pour les initier à la vie spirituelle (1). En Cochinchine, le Père de Courtaulin souhaitait vivement qu’une religieuse d’Europe conpptente et vertueuse pût venir les former. Mais ce n’était pas le moment d’y penser.
Mais si la connaissance des vérités spirituelles porte rapidement les âmes à une vie intérieure intense, l’action du Saint-Esprit, artisan de la sainteté n’est pas moins efficace.
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927, pp. 75, 106.
[page 71]
À défaut d’une formation adéquate, les Amantes de
Dans cette première période, qui s’étendait sur une trentaine d’années, les témoignages sur la pratique des vertus et l’observation du règlement furent des louanges répétées.
Pour les Amantes de
Moins nombreux furent les témoignages sur les Amantes de
Sur les Amantes de
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923, pp.
197 (Mémoires de M.Vachet, 1675), 198 (Mgr Lambert de
(2) Launay, HMT, I, Paris 1927,
p.350.
(3) Launay, HMS, Doc. hist., I, Paris 1920, p.173.
[page 72]
Un rédacteur postérieur nota ceci pour l’ensemble des religieuses : « Ce pieux Institut a sanctifié un grand nombre d’âmes dans la retraite et dans le monde, en plusieurs royaumes. »(1).
Toutefois les points noirs existèrent au milieu de ce beau tableau. Ce qu’on pouvait craindre, est arrivé; le cas de filles pauvres, voulant fuir les difficultés du monde, ne manqua pas.
Le désordre, qui se produisit dans
un couvent de Cochinchine, était d’une grande
gravité. Il s’agissait du couvent de Bao-Tay.
Voici le rapport que le Père de Courtaulin présenta en 1675 à Mgr Lambert de
« ... Ce couvent était sur
le bord du précipice. L’oraison et la
récollection ne s’y faisaient que par manière
d’acquit, on avait presque entièrement oublié
les Constitutions de votre Grandeur (Mgr L. de
(1) Hist. christianisme dans les Indes Or., Paris 1803,
p.53. Ces royaumes étaient le Tonkin,
[page 73]
La supérieure méprisée ne pensa qu’à demander de sortir. Mais le Père Vachet, par sa fermeté et sa sagacité, aréussi à découvrir le mal et d’y porter remède.
La fin s’avéra heureuse. Les Amantes de
En même temps je fais faire une bonne porte que je leur commende de toujours tenir fermée; je leur oirdonne de relire tous les quinze jours les règlements que votre Grandeur y a laissés, d’une demi-heure d’oraison chaque jour.»(1)
Au Tonkin quelque désordre se passa également dans les couvents de Nghê-an. Le Vicaire Apostolique (Mgr de Bourges les fit visiter par deux prêtres nationaux, dont l’un était impliqué dans l’affaire (2).
Toutefois, sachant que les soeurs n’avaient guère de supérieure mieux formée qu’elles, nous nous réjouissions davantage de leurs progrès spirituels; nous les en louons d’autant plus qu’elles devaient travailler d’arrache-pied pour pourvoir à leur existence, comme nous l’avons vu.
(1) Launay, HMC, I,
(2) Cf Launay, HMT, I, Paris 1927, p. 468-469.
[page 74]
Les œuvres :
Éducation de jeunes filles - soin de malades - conversion de femmes - baptême d’enfants d’infidèles en danger de mort.
Aprèr la vie spirituelle et la sanctification, qui sont le premier but de toute vie religieuse, passons aux oeuvres prévues par les Constitutions. Les Amantes de la croix devaient s’appliquer à l’éducation des jeuens filles, prendre soin des malades, convertir les femmes et baptiser les enfants d’infidèles en danger de mort.
Pour cette période, nous n’avons pas encore de documents relatant l’exécution de ces emplois. En nous référant à ce que le Père
Guisanin, missionnaire apostolique au Tonkin, écrivit à sa mère, le 6 novembre
1701, «elles s’appliquent surtout à aller
faire des prières dans les maisons où il y a des malades et les assister dans
leurs besoins spirituels et temporels», nous pouvons affirmer que les Amantes
de
Il existait au Tonkin une
Confrérie, composée d’hommes, dont l’occupation principale fut d’aller
assister les malades spirituellement ou matériellement. Elle fut fondée par les
missionnaires S.J. et s’appela
[page 75]
les membres de
Là où ils pouvaient s’imposer, les missionnaires fran çais M.E.P. firent
remplacer les membres de cette Confrérie de
Pour ce qui est d’autres emplois prévus par les Consti tutions, il y a eu peut-être un commencement, en raison du mot «surtout» dans le texte précité du Père Guisain. Mais n’anticipons pas.
Il était normal que les premières
années d’existence fus sent absorbées par les
préoccupations les plus urgentes, comme l’expansion
extérieure et la sanctification personnelle. Est-il nécessaire d’ajouter que le but principal, celui de la sanctification a
été atteint avec satisfaction, comme nous l’avons
vu.
Les persécutions.
Le rythme de l’extension de
[page 76]
matérielle.En effet, tant au Tonkin qu’en Cochinchine, la haine de l’autorité et des non-chrétiens à l’égard de la religion ne laissa point en paix les néophytes.
Nous limitant à ce qui regarde
les Amantes de
En Cochinchine, la destruction
du couvent d’An-Chi, installé dans la maison
de Madame Luce Ky, a eu lieu en 1670, à la suite de la dénonciation faite par
sa nièce même. Madame Luce Ky fût accusée d’entretenir
des filles dans sa maison, pour des fins malhonnêtes, et, de recevoir des
missionnaires «riche», qu’elle faisait tuer
par la suite, pour s’emparer de leurs biens.
Le Père Mahot, que
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923, pp.
224-226.
[page 77]
Le Père de Courtaulin, le Provicaire,
a reçu du Vicaire Apostolique la consigne de rétablir le couvent abattu.
Trouver un village, qui acceptait de loger un couvent, paraissait une énorme
difficulté. Les chrétiens de Quang-Nghia, qui ont goûté les rudesses de la
persécution ne voulaient pas en entendre parler. Le réinstaller à
Le couvent une fois rétabli, les Religieuses dispersées furent convoquées. Toutes rentrèrent, sauf quelques-unes. Dieu ne manqua pas de punir ces dernières d’une manière manifeste, pour servir d’exemple aux autres. «L’une s’embarquant dans un bateau fut noyée dans la mer; l’autre fut au couvent, mais elle en sortit, se prostitua à un jeune homme et en eut; un enfant, au grand scandale de toute la province; maintenant elle est abandonnée dans l’extrême misère, car personne n’a compassion d’elle; la troisième n’ont pas plutôt ouï ma menace ce qu’elle s’aramoucha d’un gentil qui quitta sa femme pour l’épouser, et qui l’eût fait si je ne fûsse accouru pour l’empêcher; une quatrième étant sortie contre ma volonté tombe malade; et étant guérie elle s’en alla courir de-ci et de-là comme une folle dans une extrême misère...»(1)
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923, p. 227.
[page 78]
Mais le voisinage des Amantes de
Ainsi les Religieuses, qui ont continué malgré ces difficultés, ne tardèrent pas à attirer l’admiration des fidèles comme des infidèles. Alors l’enfer lui-même revient en charge pour les intimider. Le démon «leur jeta des pierres et des pièces de bois, les portes et les fenêtres étant fermées. D’autres fois on voyait au milieu de la maison une forme de grand homme habille de noir, et cela les portes et les fenêtres demeurant bien fermées: d’autres fois c’était un globe de fer d’une coudée, et faisant ainsi un mouvement lent le tour de la maison. Enfin le démon voyant que ces filles demeuraient constantes dans le dessein qu’elles avaient pris de se donner à Dieu, les a abandonnées.»(1)
(1) Ibid, pp. 227, 251
[page 79]
Le même couvent fut de nouveau
ruiné par la persécution de 1682. Mais grâce à l’offre d’une bonne veuve, il fut relevé
sans tarder et installé à Faifo. Les infidèles Cochin-chinois ou étrangers qui
y faisaient le commerce, ne souffraient de laisser en paix cette communauté de
jeunes femmes. Ils se conjugaient l’effort
pour calomnier les missionnaires et pour disposer ensuite des filles. Le
Vicaire Apostolique, qui fut Mgr Mahot, décida alors de répartir les
Religieuses chez les chrétiennes, qui les avait logées au commencement de leur
Institut.
En 1683 au cours d’une visite pastorale, faits par le Vicaire Apostolique, une
communauté d’Amantes de
Passons au Tonkin pour y admirer d’autres actes héroïque, Dans le Tonkin Oriental (?) les soldats, qui venaient
effectuer des arrêts de chrétiens dans le village de Kiên-Lao,
n’ont pas pénétré dans la maison des Amantes de
trouvaient seize Religieuses.
A Ke-Bon, pendant les années 1686 et 1687, une Supérieure,
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923,p.288.
(2) En 1679 le Vicariat Ap. du Tonkin fut divisé en 2
Vicariats ap.:le Tonkin Occidental confié à
(3) Une des deux qui aient fait profession en 1670; cf.
supra p.35.
[page 80]
chrétienne du même nom. On les
conduisit au marché et au lieu le plus fréquenté appelé Hiên. On les frappa sur
leurs habits. Le mandarin se moqua des mystères de la religion. Alors
Vers la même date, Antoine
Trinh-Tai, un mauvais chrétien, établit la liste des chrétiens du canton de
Thuy-Giao et la présenta au mandarin. Les officiers informés sont venus à
Tran-Linh chercher les chefs de
Le sort des trois filles orphelines et religieuses, que les soldats recherchaient, au mois de novembre 1688, mérite ici une mention spéciale. Elles étaient originaires du village de Ke-He, dans la province du Midi (Nam-Dinh). «Elles vivaient ensemble dans une maison tout proche de celle de leur frère aîné qui avait femme et enfants, (Elles) avaient été accusées d’être chrétiennes au gouvernement de cette province, par un misérable chrétien. Ce dernier ayant perdu sa maison par un incendie, voulait les obliger contre leur conscience de porter témoignage que son voisin infidèle l’avait brûlée.
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927,
p.326.
[page 81]
Elles n’y ont pas consenti et pour se délivrer des persécutions de ce rénégat, elles abandonnèrent leur maison et passèrent dans la province du Levant (Hai-Duong). Les officiers du gouverneur arrivèrent aussitôt et ne les ayant pas attrapées, vendirent leur maison pour les frais de leur voyage.»(1)
L’année 1691, la persécution atteignit les femmes
chrétiennes, qui habitaient dans le palais royal. L’ordre d’apostasier leur
fut donné vers la fin du mois d’août. Les
trois filles du palais qui étaient visées «furent si effrayées de cette menace
qu’elles sortirent dès le grand matin du
palais et s’en allèrent vers Mgr d’Auren (2) pour le prier de leur procurer un lieu de refuge... Il les
fit d’abord conduire dans la maison d’une Dame chrétienne de
En résumé, les persécutions de
cette première période ont atteint surtout les biens matériels des Amantes de
(1) Launay, HMT, Paris 1927, p. 352. dans ce passage, les
notes mises entre parenthèses, sont de moi-même.
(2) Mgr de Bourges, Vic. Ap. du Tonkin Occidental. Ce texte:
dans launay, op. cit., p. 340.
[page 82]
elles furent battues et
maltraitées, puis libérées, moyennant quelque dépense pour satisfaire les
mandarins. En tout cas, elles n’ont pas été
mises à mort pour le refus d’apostasier.
Conclusion de la première période.
En conclusion sur cette période, il nous faut souligner
ce grand désir de la vie religieuse chez beaucoup de filles et de veuves. Pour la réaliser, beaucoup ont fait des actes relevant de l’héroisme proprement dit. Cette période a été également marquée par une grande ferveur, que les missionnaires ont unanimement reconnue.
Le nombre de religieuses ainsi que celui des couvents ont augmenté de manière très satisfaisante, malgré les persé cutions, qui obligèrent les sujets à se disperser plus d’une fois.
Au Tonkin Occidental les maisons
montaient au chiffre de 20, à la fin de cette période, au Tonkin Oriental à
celui de trois, lesquelles ont été établies par Mgr Lambert de
(1) Cf. A.P. Act. Cong. part. super rebus Sinarum et
Indiarum Or. 1785-1787, ff.548-552.
[page 83]
En Cochinchine, les maisons nommées furent celle d’An-chi au Quang-Nghia, celle de Lam-Thuyen, actuellement Cho-Moi à Nha-Trang, celle de Diem-Dien à Qui-Nhon, celle de Bao-Tay, actuellement Bau-Goc au Quang-Nghia, et celle de Faifo au Quang-Nam. Nous savons que la maison de Faifo a été établie pour recevoir les religieuses de la maison d’An-Chi, qui fut détruite en 1673.
Le Père Louvet(1) a donné, pour l’année 1679 le chiffre de 2 maisons et de 80 religieuses
pour
Article 3e :
Période de paix relative, coupée
de persécutions intermittentes.
La marche de
En Cochinchine,
(1) Dans
[page 84]
Alexander de Alexandris,
barnabite, Vicaire Ap. de
Or une longue persécution entre
les années 1698 et 1704, sous le règne de Minh-Vuong, a dévasté impitoyablement
les établissements religieux. «Plus d’églises,
plus un seul lieu de réunion pour le culte». Tel fut le bilan des destructions.
Les couvents n’ont sans doute pas été
épargnés. En tout cas soit par le peu d’intérêt
que leur portèrent les Vicaires Apostoliques précités, soit par les
destructions, l’Institut a péri en Cochinchine
de telle manière qu’on ne possédât plus de
règlement donné par Mgr Lambert de
Durant l’épiscopat de Mgr Pigneaux de Béhaine, Mgr Labartette, son
coadjuteur (1782) et plus tard Vicaire Apostolique de
[page 85]
Au Tonkin, les Amantes de
Dans le Vicariat Apostolique du
Tonkin Oriental(l),confié aux Pères Dominicains Espagnols de
Le genre de vie.
Le genre de vie des Amantes de
(1) La limite entre le Tonkin Occidental et le Tonkin
Oriental c’est le Fleuve Rouge, le «Sông
Hông-Hà». En 1960 le Tonkin Occidental comprend les Vicariats Ap. de Hanoi,
Vinh, Hung-Hoa, Phat-Diem, Thanh-Hoa; et le Tonkin Oriental, les Vicariats ap.
de Hai-phong, Bac-Ninh, Lang-Son, Bui-Chu, Thai-Binh.
[page 86]
différents maux, n’ont fait qu’accentuer leur pauvreté.
Le travail manuel demeura toujours la premiers occupation pour qu’elles pussent subsister. Nous avons, à ce sujet, plus de précision à travers les lettres ou les rapports envoyés par les missionnaires.
Le Père Guisain, missionnaire
Apostolique au Tonkin Occi dental, écrivit ceci à ses cousins, le 1er décembre
1709: «Elles (les Amantes de
Mgr Reydellet, Vicaire Apostolique du Tonkin Occidental 1765-1780, nota ceci dans la lettre qu’il envoya le 7 mai 1766 à son frère: «Comme elles sont pauvres, elles vivant du travail de leurs mains, et de leur commerce»(2).
En plus de cette pauvreté, la famine causée par les guerres ou les mauvaises récoltes, les persécutions, l»épidémie ont sérieusement décimé nos religieuses. En 1791 le Père Serard, Missionnaire Apostolique au Tonkin envoya aux Directeurs du Séminaire des M.E.P. une lettre, où il disait entre autres : « Tous les habitants de ce lieu (Province de Nghe-An) avaient péri par la famine et par les maladies épidémiques. Il n’y restait plus qu’une maison de religieuses. Onze de ces religieuses étaient déjà mortes: les autres par la suite ont été obligées de quitter cet endroit.»(3)
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927,
p.462.
(2) NLE, VI, pp. 133-134. Cf Launay, HMC, III, Paris 1923, p. 147.
(3) NLE, VII, p,97.
[page 87]
Bref, comme par auparavant, les
ressources de vie des Amantes de
La vie spirituelle, la sanctification.
Au milieu de ce combat pour la vie, la ferveur et la piété, dont nous avons eu de nombreux témoignages favorables pendant la première période, se maintiennent et s’intensifient. Elles ont été facilitées par l’observation du silence et de la retraite et par l’éloignement de tout commerce avec le monde.
Quant aux mortifications et aux
austérités, qui caractérisaient les Amantes de
La ferveur de ces dernières n’en diminua pas pour autant, à en juger par les témoignages de Mgr Labartette. Ce prélat rapporta la parole des missionnaires du Tonkin, qui appelaient
(1) Launay, HMC, III, Paris 1925, p. 147; cf Lettre de M.
Gire à ses parents, ibid. p. 271 et cf Louvet,
[page 88]
ces religieuses de
D’autres missionnaires les louèrent de même: «J’ai enco re à diriger un monastère à trente religieuses
dites de
Des Amantes de
(1) Launay, HMC, III, Paris, 1925,
p. 147 (fin de la lettre de Mgr Labartette).
(2) Launay, op. cit., p. 271 (M. Doussain à un ami).
[page 89]
excepté les fêtes de Pâques ....» (1)
Mgr Néez Vicaire Ap. du Tonkin (1739-1764) en laisse un
témoignage plus complet. Les Amantes de
Mgr Reydellet Vicaire Ap. du Tonkin (1765-1780) après avoir donné à peu près les mêmes précisions dans sa lettre à son frère, en date du 7 juillet 1766, concluait ainsi: «Elles ont de la piété, on peut dire qu’elles sont la bonne odeur de Jésus-Christ. Elles sont généralement aimées et estimées des chrétiens et des infidèles qui les connaissent.»(3)
Ainsi si le règlement changea
dans le sens d’un adoucissement pour les
Amantes de
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927, pp.
461-462.
(2) Mgr Néez, clergé Tonkinois, Paris 1925, p. 273. Launay,
Hist. Soc. MEP, I, Paris 1694, p.583.
(3) NLE, VI, pp. 133-134 (fin de
[page 90]
ferveur des meilleures religieuses d’Europe, cela malgré le manque de la formation et les multiples difficultés.
Les œuvres :
Éducation de jeunes filles -
soin de malades - conversion de femmes - baptême d’enfants d’infidèles en
danger de mort.
Durant cette période, nous avons plus de documents sur l’accomplissement des emplois. Presque tous ont été entrepris.
Tout au début de cette période, le Père Guisain, missionnaire au Tonkin, indiqua par deux fois, l’office d’assister les malades par des soins ou par des prières. «Elles s’appliquent surtout, dit le missionnaire, à aller faire des prières dans les maisons où il y a des malades et à les assister dans leurs besoins spirituels et temporels.» Et encore: «...celles qui sont déjà âgées vont, visiter les malades du lieu où elles Sont, les consoler, les aider à bien mourir et réciter des prières avec les chrétiens pour demander à Dieu une bonne mort ou leur guérison qu’elles obtiennent assez souvent.»(1)
En ce qui concerne l’emploi de convertir les femmes païennes ou de mauvaise vie, et celui de les initier aux
(1) Launay, HMT, I, Paris, pp.461, 462.
[page 91]
vérités de la religion, les
Amantes de
Le Père
Quant au baptême des enfants d’infidèles en danger de mort, il a été commencé, mais pas encore assez développé. Le Vicaire Ap. du Tonkin en 1785 qui fut Mgr Davoust, leur le rappela et les y encouragea. Il y avait une grande famine causée par la mauvaise récolte ; ce qui ne faisait que multiplier
(1) Journal rédigé par Mgr l’évêque
de Céram, Vic. Ap. du Tonkin Occid., juin 1784-mai 1705, dans NLE, VI, pp.
393-397 ; Lettre de M. Le Roy miss. ap. du Tonkin Occid., ibid. pp.404-407
-Traits édifiants écrits par M.
[page 92]
le nombre de petits enfants
morts de faim. Alors le Vicaire Ap. exhorta les Amantes de
Quant à l’instruction des jeunes filles, seulement au Siam,
semble-t-il, elle a pu être commencée dès cette période. Mgr Garnault Vicaire
Ap. de cette Mission assurait lui-même la direction et la formation des Amantes
de
Mais au Vietnam (le Tonkin et
(1) NLE, VI, p.448.
(2) Launay, HMS, Doc. hist., I, Paris 1920, p. 173 et II, Paris 1920, pp. 337-338. Cet enseignement
demeura surtout l’enseignement du
catéchisme.
[page 93]
Ainsi à l’exception de l’instruction
de jeunes filles, les Amantes de
Les persécutions de la
deuxième période (18e siècle).
L’augmentation des chrétiens ne fit qu’intensifier la colère de l’autorité persécutrice et des infidèles hostiles. Ceux-ci ne manquaient pas une occasion pour vexer les chrétiens ou pour leur chercher querelle. L’objet de la recherche ordonnée par le roi visait principalement les missionnaires, les prêtres nationaux, et les chefs de la chrétienté, c’est-à-dire les catéchistes ou les notables. Il atteignit ensuite les objets de culte, pour lesquels on taxait les chrétiens de grosses sommes d’argent.
Or comme nous l’avons noté dans la première période, les Amantes de
En Cochinchine, la persécution
des années 1698 à
En 1730 plusieurs maisons d’Amantes de
[page 94]
tous les cas de destruction, les Sœurs ont été dispersées chez leurs parents.
Vers le milieu de l’année 1778, les Cambogiens sont venus faire des pillages en Cochinchine. Le Vietnam fut déchiré par la guerre entre les Frères Tây-Son d’une part, et les souverains Nguyen et Trinh de l’autre. Profitant des moments,
de trouble, les Cambodgiens, qui
furent soumis aux Vietnamiens, firent l’irruption
en Cochinchine et satisfirent leur vengeance par des actes de piraterie. Ils
ravageaient surtout le Sud de
Le rythme des malheurs devint plus accéléré à la fin de cette période.
Pendant les années 1785-1786, la
persécution éclata de nouveau. Elle atteignit cette fois
(1) Louvet,
[page 95]
personnes; l’un subsiste encore, l’autre a été enlevé par les rebelles(les Frères Tây-Son) qui n’ont molesté qui que ce soit. Ces filles sont partagées en deux bandes en attendant la paix, et peuvent observer leurs règles.»(1)
Deux ans après, tous les
couvents dans
Les persécutions dans la dernière décade de cette période étaient celle de 1795, qui fut de courte durée et celle de 1798, qui fut très violente, Elles ont de nouveau détruit les six couvents. A Phu-Xuân, la maison des religieuses contigüe à celle du prêtre Cochinchinois Emmanuel Triêu que les soldats ont arrêté, fut investie. Les soldats lièrent les religieuses qu’ils y trouvèrent. «Ne connaissant pas la qualité de M. Triêu les soldats frappaient rudement les religieuses pour leur faire déclarer où était le prêtre. Affligé de les voir souffrir à son occasion, M. Triêu leur déclara que c’était lui-même.... Les religieuses ne restèrent liées que pendant quelques heures; mais leur maison fut investie pendant cinq jours, par deux rangs de soldats. On enleva pendant ce temps tout ce qu’elles avaient dans leur maison, on détruisait leur jardin, et on ne leur lais sa en les renvoyant que les habits qu’elles avaient sur leur corps lorsqu’elles furent prises. Telle fut le sort de six
(1) Launay, HMS, III, Paris 1925,
p.140 (Mgr Labartette à M. Boiret, le 22
mars 1787.
(2) Ibid., p.271 (M.
Doussain à M. Boiret, le 21 VII 1797 et le même
à un ami, le 22 VII 1797).
[page 96]
maisons de religieuses qui étaient
dans
Les Amantes de
En 1713 les Amantes de
petite maison. Cinq seulement ont pû y loger. Deux sont par-
(1) NLE, VIII, p. 2.
[page 97]
ties chez leurs parents en attendant la fin de la persécution. La huitième est morte à la suite de mauvais traitements appliqués par ses parents, qui voulaient la forcer à se marier contra son gré(1).
Au village de Ke-Lo dans la même
province, les Amantes de
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927,
p.562.
(2) Idem, Launay, HMT, I, Paris 1927, pp.562.
[page 98]
La persécution est passée aussi dans le village de Phu-Lao dans le district de Hung-Nguyen. La supérieure de ce village a été induite en erreur à accepter l’acte d’apostasie. L’affaire lui a coûté 25 Staëls d’argent(1).
Le 16 VI 1776,
Mgr Reydellet, Vicaire Ap. du Tonkin Occidental envoya aux Directeurs du
Séminaire des M.E.P. cette nouvelles: «Nous n’avons
plus ni communauté, ni collège, ni maisons, ni églises; tout est abattu.... Les
religieuses Amantes de
Dans la province de Nghe-An, à l’endroit où travaillait le Père Breton, les chrétiens, dont
une maison d’Amantes de
L’année 1789 le Père Le Roy, missionnaire au Nghe-An et au Thanh-Hoa envoya à M. Blandin, directeur du Séminaire des MEP, la nouvelle d’un incendie, qui ravageait un village chrétien. Les soldats sous l’ordre des Frères Tây-Son ont mis le
(1) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.
563
(2) NLE, VI, p. 273
(3) Launay, Hist. Soc. MEP, II, Paris 1894, p. 141.
(4) NLE, VI, p. 460
[page 99]
feu à un grand village où se
trouva une communauté d’Amantes de
Vers la fin de cette période, le
ciel devenait toujours plus sombre pour la jeune chrétienté du Vietnam. Nous
avons déjà parlé de ce qui arriva aux Amantes de
Les persécutions des années 1795
et 1798, qui ont balayé les six couvents de
La perte totale de
(1) Lettre de M. Le Roy à M. Blandin, le 3 VII 1789 dans NLE, VII, p.47.
(2) NLE, VIII, p.96.
[page 100]
les provinces extérieures (le Thanh-Hoa extérieur et le reste du Tonkin), excepté que les maisons des religieuses y subsistent encore, mais plus de collège.»(1)
En conclusion: A cause des
persécutions, les Amantes de
Conclusion de la deuxième période (18e siècle).
Nous avons tout d’abord constaté la ferveur constante des Amantes de
La réalisation des œuvres de l’Institut a été entre prise pour de bon, quoique ce ne fût pas assez développé.
En ce qui concerne les rapports
entre les Amantes du Tonkin et celles de
(1) Ibid., p.64.
[page 101]
de peu que le Coadjuteur de
Les persécutions n’ont pas atteint directement les religieuses, en dehors des vexations suscitées par les infidèles. Cependant les pertes matérielles furent immenses pour nos pauvres Sœurs. Par rapport à la première période, les persécutions sont devenues ici plus fréquentes, et plus violentes.
La pauvreté et l’insécurité ont empêché une plus grande extension de l’Institut. Toutefois, en Cochinchine à la fin de cette
période, le nombre approximatif des couvents fut le suivant: 6 dans
Au Tonkin Occidental, nous comptons à la même date, une quinzaine de couvents dans le Nghe-An et le Khanh-Hoa intérieur, 2 dans la province de l’Ouest (Son-Tây), érigés par le Père Le Pavec; et environ 8 dans le reste de ce Vicariat
(1) NLE, VI, p. CXIV et VIII, p.2.
[page 102]
Apostolique. Le chiffre de 25 couvents logeant 400 religieuses a été déjà indiqué dès l’année 1751 par Mgr Néez(1).
Quant aux trois maisons de Kiên-Lao, Trung-Linh et Bui chu dans le Tonkin Oriental, elles ont tenu bon à l’encontre des ordres donnés par les Supérieurs Dominicains de passer au Tiers Ordre de Saint-Dominique. Mais à la fin de cette période, les maisons de Bac-Trach, Ha-Linh et Ke-he ont été probablement transformées de force en couvents du Tiers Ordre de Saint-Dominique. En tout cas elles ont disparu, et, par la suite on n’en parla plus.
(1) -Mgr Néez, Clergé Tonkinois, Paris 1925, p.273.
[page 103]
Article 4e :
Période de grandes persécutions.
Les événements et la marche
de
Nous sommes ici en présence d’une période à la fois la plus douloureuse et la plus brillante de l’Église du Vietnam. C’est une période d’effort et de travail, une période de foi et d’héroïsme.
L’Église du Vietnam au
dix-neuvième siècle est l’image complète de l’Église de Rome, quant aux
massacres de chrétiens. Le début du siècle ou de la troisième période de noirs
étude s’ouvrit plutôt sous le bon augure, par la victoire définitive du roi
Gia-Long. Ce prince a réalisé l’unification des deux parties du Vietnam (le Tonkin et
La grande espérance des chrétiens
en l’empereur fut motivée par cette communauté d’intérêts entre lui et le
Vicaire Apostolique. Ils voyaient déjà en son fils héritier du trône,
[page 104]
qui fut éduqué personnellement par Mgr Pigneaux de Béhaine, le futur «Constantin» du Viêtnam. Mais toutes les espérances ont été trompées. La mort prématurée du Prince héritier, baptisé à l’article de la mort, ainsi que la mort du Vicaire Apostolique, que l’empereur avouait être son meilleur ami et conseiller, ont délié ce dernier pour ainsi dire de ses devoirs de fidélité et par conséquent de respect à la religion.
Cependant sous son règne 1802-1820 l’Église du Viêtnam a joui d’une paix complète. C’était une période de restauration, qui se prolongea jusqu’en 1830. Les trois successeurs du roi Gia-Long ont été des persécuteurs acharnés de la religion chrétienne. Leur action fut appuyée et exagérée par la classe des intellectuels, d’où sortaient tous les administrateurs et fonctionnaires. On crut à un certain moment à l’agonie de l’église du Vietnam: humainement parlant il n’y avait plus aucun espoir de survivre.
Que sont devenues les Amantes de
Elles se répandirent toujours davantage. Mgr Labartette en Cochinchine s’occupa d’elles avec beaucoup d’attention, jusqu’à sa mort, survenue en 1822. Au Tonkin Occidental les Vicaires Apostoliques, les missionnaires, qui avaient besoin de leurs concours, les ont favorisées de leur mieux.
Elles ont travaillé de manière admirable comme auxiliaires des missionnaires. Elles accomplirent les œuvres avec beaucoup de courage et d’efficacité. Elles ont eu le bonheur de témoigner de leur foi au Christ, par l’effusion du sang,
[page 105]
ensemble avec les Vicaires Apostoliques, les prêtres étrangers ou nationaux, les catéchistes et les chrétiens. La tempête de la persécution à peine passée, elles ont entrepris, sous la direction de supérieurs compétents, tout ce qui n’a pu être réalisé, pour devenir les religieuses au sens plénier du mot.
Pendant cette période, il y a eu
de grands événements concernant l’organisation de l’Église du Vietnam, dont il
faut tenir compte dans notre étude. Ce fut la création de nouveaux Vicariats
Apostoliques; ce qui entraîna la particularisation des Amantes de
[page 106]
quelques récits de persécution,
mais jamais dans les rapports annuels ou dans le Bulletin de
Le genre de vie.
Les Amantes de
Le travail manuel demeura indispensable pour pouvoir subsister. Elles tissaient la soie ou le coton, elles travaillaient la terre dans les fermes, elles faisaient encore le commerce, le panier sur le dos. Ce genre de commerce comprenait entre autres la vente de certaines pilules médicales, qu’elles ont préparées elles-mêmes(2). Tout ce travail devait suffire leur subsistance en temps de paix. Par rapport aux périodes précédentes, le travail des religieuses s’est développé bien davantage.
(1) Cf. NLE, VIII, p.315, et
Ann. Prop. Foi, V (XXVII), p.323.
(2) Ann. Prop. Foi, VIII (XLV), p.392, note; et XIX, pp.315-316. Compte-rendu MEP 1881, p.72. - Ann. MEP,
n.43, janv.-févr. 1905, p.32 et sq..
[page 107]
La vie spirituelle, la sanctification.
La sanctification personnelle
par l’observation du règle ment et par la prière occupa toujours la première
place. Pour faire comprendre à ses lecteurs le degré de la piété des Aman tes
de
Cette vie spirituelle consista
tout d’abord dans la ré citation des prières vocales. Au temps de Carême
spécialement les Amantes de
(1) Deux coadjuteurs successifs du Vicaire Ap. du Tonkin
Occidental.
Mgr Longer 1790-1831, ont pris le titre de Castorie. Il s’agit de Mgr Charles
[page 108]
Ensuite l’ascèse fut pratiquée avec rigueur par les Amantes du Tonkin, pour lesquelles les austérités sont restées les mêmes. Ce furent toujours l’abstinence annuelle, exceptées les trois grandes fêtes de Pâques, de Pentecôte et de Noël, le jeûne et la discipline deux fois par semaines(1).
Les Amantes de
De cette manière les unes et les
autres donnaient «un milieu d’un royaume païen et enseveli dans la chair et le
sang, l’exemple d’une vertu inconnue, mais qui est un des plus beaux ornements
de
Les œuvres:
Éducation de jeunes filles - soin de malades - conversion de femmes - baptême d’enfants d’infidèles en danger de mort.
Les emplois accomplis par les
Amantes de
Le premier de tous, celui d’instruire les jeunes filles n’a eu cependant qu’un commencement limité dans le Vicariat
(1) Ann. Prop. Foi, VIII, (XLV),p.392, en note.
(2) Compte-rendu MEP 1897, p.175.
(3) Ann. Prop. Foi, XIX, pp.315-316; et VII (XXXIX), p.497.
[page 109]
Apostolique de
Contre ce préjugé, les
missionnaires ont réagi, en pensant à fonder des écoles pour des filles. La
présence des Amantes de
(1) Lettre de M. Masson dans Ann. Prop. Foi, IV(XXI), pp.307, 314.
[page 110]
Mission, ce serait de faire quelques aumônes aux religieuses; qui par là se trouveraient en état de recevoir gratuitement quelques jeunes personnes de chaque chrétienté. Ces jeunes personnes de retour chez elles, deviendraient de bonnes mères de famille, et par leurs exemples et leurs instructions, seraient le modèle et le soutien de leurs compagnes. Ce ne sont pas là des vues chimériques; car ici il suffit d’une bonne chrétienne qu’on met à la tête des autres, pour entre tenir dans la ferveur toutes les personnes du sexe du village.»(1)
Ainsi l’instruction
intellectuelle proprement dite des filles n’exista point encore à ce moment-là.
De nombreux témoignages parlent dans ce sens(2). Seulement à partir 1862 elle a pû être organisée dans le
Vicariat Apostolique de
Le Père Louvet dans son livre «
(1) Ann. Prop. Foi, V (XXVII), pp. 392..., 398.
(2) Cf. Ann. Prop. Foi, XIX, pp. 315-316; et Bulletin MEP, sept. 1922,
pp.508-509.
(3) T. II, Paris 1885, p. 452 et sq..
[page 111]
énuméré parmi les trois buts principaux (sanctification, ouvres de charité et d’apostolat). Ceci ne paraît pas juste; car
dans les Constitutions, l’instruction des jeunes filles est nommée en première place. Ensuite le Père y note le sentiment de gêne et de désorientation et l’attribue au caractère égoïste, qui, d’après le Père, caractérise les Vietnamiens. Mais on devrait Plutôt l’attribuer à la timidité féminine et à la coutume. En plus si l’argument est juste, il ne vaut pas comme tel, si nous nous en tenons au beau résultat obtenu et qui a été rapporté par le Père lui-même.
Dans l’instruction il faut
inclure l’enseignement du catéchisme, qui fut le seul que les Amantes de
(1) Ann, Prop. Foi, V (XXVII), pp. 392..., 396.
[page 112]
Malgré ces préjugés, les Amantes
de
Le deuxième emploi : la visita des malades.
Les Amantes de
(1) Louvet,
(2) Ann. Prop. Foi, XIX, pp.315-316.
[page 113]
comme celui de baptiser les enfants d’infidèles en danger de mort, retenaient davantage l’attention dos Vicaires Apost. et des missionnaires.
Nous passons sous silence l’œuvre de convertir les femmes, que nous avons indirectement signalée, en parlant de l’instruction des catéchumènes.
Le baptême des enfants d’infidèles en danger de mort.
Cette œuvre fut de toutes celle qui
a été la plus développée pendant cette période (19e
siècle). La forte mortalité infantile fut
encore accrue durant cette période par de nombreux malheurs, qui ont traversé
le pays. La recherche des enfants d’infidèles en danger de mort pour leur
administrer le baptême a précédé la fondation de l’Œuvre de
Il s’agissait par conséquent d’aller
à la recherche de petites créatures en péril de mort. Le projet d’étendre l’œuvre
déjà commencée bien avant, fut formulée en 1830 de cette manière: «Le baptême
des enfants, en danger de mort c’est une mission où les succès sont
certains, et il en coûterait peu pour les rendre immenses. Il suffirait d’avoir
un certain nombre de personnes choisies auxquelles on fournirait de quoi
subsister, et de quoi distribuer quelques remèdes gratuits; ces personnes
parcourraient les marchés et les villages païens, et certainement elles
procureraient le salut à
[page 114]
une foule innombrable à ces infortunées créatures. Ce que nous faisons en ce genre est conforme à nos moyens, et pax conséquent assez peu de choses....»(1)
Les Amantes de
Beaucoup d’enfants ont été baptisés aussi au su et au vu de leurs parents, Ceux-ci demandaient alors à leurs enfants
(1) Ann. Prop. Foi, V(XXVII), pp.392.., 400.
(2) Op.cit., XVII, pp.441-442; Compte-rendu MEP 1884, sur
[page 115]
l’enterrement chrétien, qui fut aux frais des chrétiens; cela a été toujours accepté.
Mais bon nombre d’enfants ainsi recueillis et baptisés ont survécu. On les faisait adopter par les familles chrétiennes, ou on les élevait dans les orphelinats érigés ad hoc. Parmi ceux-là un certain nombre a eu le bonheur de recevoir les saints ordres, ou de se consacrer à Dieu par la vie religieuse.
Voici quelques chiffres sur le
beau résultat des baptêmes administrés. De 1835-1844, en Cochinchine 23445
enfants ont été baptisés; pendant l’année 1854, 13501 enfants ont été baptisés
dans la même Mission. Seulement à Qui-Nhon, les Amantes de
A ces emplois ajoutons l’office
de messagères, qui a été magnifiquement rempli par les Amantes de
Ce qui a permis aux sœurs de
remplir cette fonction, c’est qu’on ne faisait pas attention aux femmes, jugées
incapables de grandes actions, et que la loi pénale prévoyait la peine de mort
contre celui qui se serait avisé de fouiller sous les habits d’une femme.
[page 116]
Pendant les persécutions, elles
furent donc pour des missionnaires, des messagères de confiance. Elles furent
chargées de porter leurs lettres, de porter des secours matériels aux
prisonniers chrétiens, et au comble de leur bonheur de leur porter également l’Eucharistie,
là où le prêtre ne pouvait accéder. Ainsi le Père Marotte caché dans un coin du
couvent de Chiêu-Ung a pû, grâce aux Amantes de
Ce beau témoignage du Père Louvet(l) rend gloire à nos héroïnes : «Aux jours de la persécution sanglante, elles furent les premières à la souffrance et à l’immolation. C’était le plus souvent leurs maisons qui servaient d’asile aux proscrits ; c’était elles qui se glissaient dans les cachots, pour porter aux confesseurs de la foi la nourriture et les petits soulagements qu’on pouvait leur procurer; plus d’une fois, comme aux jours de la primitive Église, ces vierges intrépides furent chargées d’apporter au martyr qui allait verser son sang pour Jésus-Christ le Viatique du dernier combat. Là où le prêtre ne pouvait pénétrer, elles allaient hardiment, protégées par leur habit de femmes et le rayonnement de leur charité. Elles consolaient les affligés, secouraient les faible, relevaient les apostats.»
(1) Dans
[page 117]
Les persécutions de la troisième période.
Cette période fut jalonnée de grandes persécutions où on voulait tout simplement exterminer la race des chrétiens. Le motif était que la religion chrétienne contredit le culte traditionnel du pays, et qu’elle n’eut pas le droit de cité. Ensuite les chrétiens ont été accusés, surtout à partir de l’année 1833(1), d’être les traîtres du pays.
Les Amantes de
Les trente années de paix (1800-1830) ont permis à l’Eglise
du Vietnam de se relever de ses ruines. Les Amantes de
En Cochinchihe, à la mort de Mgr Labartette, survenue en 1822, ce prélat s’est beaucoup occupé d’elles, on compta 16 maisons groupant environ 400 religieuses. Jusqu’à la persécution de 1833, les maisons ont encore augmenté jusqu’au chiffre de 20.
(1) A la suite de la profanation du tombeau de l’ancien
gouverneur Lê-van-Duyet (qui protégeait les
chrétiens) par l’ordre du roi Minh-Menh, un
partisan du gouverneur s’est révolté. Il a envoyé une délégation composée de
chrétiens à Mgr Taberd, qui s’est réfugié au Siam, pour demander son appui. Les
membres de cette délégation appréhendés furent exécutés.
[page 118]
Au Tonkin, à la même époque, on compta 40 maisons avec environ de 500 à 600 religieuses. Les diverses persécutions allaient ruiner les unes et les autres.
a) Les persécutions de Minh-Mênh.
Les menaces de persécution ont pointé dès l’année 1830 sous le règne de Minh-Mênh. Par la suite, les trois édits successifs du 6 janvier 1033, du 25 janvier 1836 et de 1839 ont semé partout la terreur.
Après le premier édit, les
mandarins, les soldats ainsi que les païens entrèrent en action. En Cochinchine,
«il y eut un moment d’angoisses indescriptibles, et l’on put croi re que
c’en était fait de l’Eglise de Cochinchine:
en quelques jours les 300 églises de
(1) Louvet,
(2) Ann. Prop. Foi, VII(XXXIX) p.432 (3j Ann. Prop.
Foi, VIII
(XLV)
p.392.
[page 119]
Cette
première persécution une fois passée, le
Vicaire Apost. de
Dans la même région, le couvent de Chiêu-Ung a été également cerné. Le Père Marette s’y cachait. Presque toutes les religieuses se sont dispersées au premier signal de l’arrivée des soldats. Le servant de messe du Père ainsi qu’une religieuse ont été garrottés pendant la fouille du couvent. Le missionnaire n’a pas été découvert.
(1) Ann. Prop. Foi, XI (LXIIX) p.208.
[page 120]
Cette deuxième phase de la
persécution ordonnée par le roi Minh-Menh n’a pas obtenu les résultats voulus. Beaucoup
de missionnaires y ont échappé. C’est pourquoi en 1838 le roi publia un nouvel
édit dont l’exécution fut plus rigoureuse. Cette persécution a procuré le palme
du martyr à une Amante de
Au Tonkin Occidental, les religieuses du village de Tân-Dô ont été arrêtées le 11 février 1838. Mais avant qu’elles
(1) Ann. Prop. Foi, XI(LXVI) p.556.
(2) Louvet,
[page 121]
fussent mises à l’épreuve, elles en ont été tirées par l’ingéniosité d’un soldat chrétien. Celui- ci leur donna à aval des pilules, qui les firent tomber par terre, en répandant de l’écume par la bouche. Les femmes du village accoururent en pleurant pour leur porter secours. Craignant d’être pris pour des assassins, les soldats les abandonnèrent et elles ne tardèrent pas à revenir à elles-mêmes.
Le bilan de cette troisième
persécution fut lourde. Plus aucun couvent ne pouvait continuer. Les 20
couvents de
b) Les persécutions de Thiêu-Tri.
Le roi Thiêu-Tri, successeur de
Minh-Mang monte sur le trône le 10 février
En Cochinchine Mgr Cuénot envoya,
en février 1842, un groupe missionnaire dirigé par le Père Miche, chez les tri
bus «sauvages» de Kontum. Le groupe fut de seize personnes deux européens et
quatorze Vietnamiens. Il a été appréhendé et jeté en prison. Pour faire
apostasier le Père Miche, on a fait torturer devant lui les prisonniers
chrétiens, parmi lesquels les religieuses arrêtées à la suite des aveux
de
[page 122]
quelques faibles chrétiens. «Les aveux extorqués par le torture avaient amené l’arrestation d’une vingtaine d’autres chrétiens. Il y eut de nouveaux interrogatoires et les satellites firent encore jouer le rotin, mais cette fois, ils avaient affaire à des chefs de chrétienté, à des religieuses indigènes: ils n’arrachèrent qu’une apostasie sur une vingtaine de prisonniers; tous les autres, malgré les menaces et les tourments qu’on leur prodigua demeurèrent fidèles.»(1) Nous ne savons pas le sort de ces religieuses.
Au Tonkin, Trinh-quang-Khanh, gouverneur
de Nam-Dinh, connu sous le nom de «bourreau des chrétiens», et qui a bien
travaillé contre les chrétiens sous le règne de Minh-Mênh, continua son action,
inique. Les premiers jours de
(1) Louvet,
[page 123]
« Voici votre sentence, que
le grand mandarin vient de formuler et que vous devez signez vous-mêmes, afin
qu’il l’envoie au roi. » Tout heureuses, elles l’ont signé. Or ce billet
fut un acte d’apostasie contre lequel elles ont en vain protesté. Le roi,
trompé comme elles, les a condamnées seulement à cent coups de bâton. On a
apporté dix ligatures, et les Sœurs dispensées même des coups ont été lâchées(1). Ainsi sous le règne de Thiêu-Tri (1841-1347), à part le zèle
que déployèrent quelques mandarins dans la chasse aux missionnaires et aux
prêtres, les chrétiens dans l’ensemble ne furent pas aussi sévèrement
persécutés que sous le règne de Minh-Menh (1820-1841). Cela a permis, aux Vicaires Apostoliques et aux
missionnaires, de rétablir peu-à-peu les 50 couvents du Tonkin Occidental et
les 20 de
(1) Ann. Prop. Foi, XVI, pp.503-506.
[page 124]
et de
choisie du peuple chrétien va
affronter avec toute l’Église du Viêtnam une dernière épreuve.
c) Les persécutions de Tu-Duc
Les persécutions sous le règne de Tu-Duc (1847-1883), ainsi que l’action des lettrés vont transformer le territoire du Vietnam en une boucherie de chrétiens, tout le long de la deuxième moitié de cette troisième période (19e siècles).
En plus de la haine contre la religion, nous devons ajouter l’accusation faite aux chrétiens de trahir le pays. Cette hypothèse pèse encore sur les catholiques du pays. Les soldats français sont venus, à l’appel des missionnaires français, pour secourir l’Église du Vietnam en agonie. L’afflux des chrétiens désespérés vers la zone occupée par les Français et le fidèle attachement à leur égard, au moment où les autres cherchaient à les évincer, ont été des faits historiques. Les maladresses des missionnaires trop engagés dans la politique n’étaient pas non plus absentes. Tout cet ensemble a fourni à l’ennemi du nom chrétien l’occasion de déclarer aux chrétiens une lutte implacable. Mous laissons aux historiens le soin de mettre au clair les événements.
(1) Ann. Prop. Foi, XIV, p. 281; et XXVII, pp. 89-90,
351-352.
[page 125]
Ce rappel a, pour simple but celui d’illustrer le caractère âpre et acharné de la lutte contre la religion chrétienne.
L’empereur Tu-Duc dépassait ses
prédécesseurs en cruauté. Les édits de persécution, qu’il publia, furent
nombreux. Le premier édit est sorti la seconde année de son règne (1848). Le second suivait
en 1851. Les Amantes de
Les Amantes de
[page 126]
-fermées en prison; on a confié le reste du peuple à la surveillance des gardes... C’est pourquoi désormais les préfets et les sous-préfets, les chefs de canton, les maires doivent serrer la bride à ce mauvais peuple et défendra aux hommes, aux femmes et aux enfants de s’éloigner de chez eux. Il n’est pas permis de leur donner de passeport. Ils doivent rester dans leur village, afin que leur gardes puissent les passer en revue et les exhorter à abandonner l’erreur et à revenir dans la bonne voie. Les officiers qui n’observeront pas cette ordonnance seront punis sévèrement. Si on vient à arrêter de ces mauvaises femmes, il faut se conformer aux sentences portées contre elles (1) dans les provinces de Hanôi et de Phu-Yên, pour les punir afin qu’elles se corrigent.»
Le dernier édit de persécution du roi Tu-Duc se présenta sous forme de sanctions. Il mit les chrétiens au ban de la société, en les privant de leurs droits fondamentaux, dont celui de propriété (2).
Pour exécuter ces édits on plaça
des croix dans tous les ports et devant toutes les douanes de terre et de mer,
aux entrées ou sorties de villages. Pour tout voyageur fouler la croix était la
condition indispensable pour passer outre. Et à l’approche des français, on
ramassa les chrétiens et les réunit dans des prisons ou centres, pour y mettre
le feu ensuite. Les Amantes de
(1) L’exil et même la peine de mort. Le texte de l’édit :
dans Ann. Prop. Foi, XXXIV, 7-8.
(2) Ann. Prop. Foi, XXXV, p. 131 et sq.
[page 127]
trouvé à leur arrivée que les restes brûlés de ceux qu’ils ont voulu protéger.
Mais, après cette présentation des mesures de persécution, reprenons le fil des événements à partir de l’édit de persécution de 1855.
Au Tonkin Occidental, la cupidité d’un maire païens a causé bien des dépenses aux chrétiens de Bau-no (Hung-ho). En 1855 le roi fit remise d’un certain tribut à ses sujets. Le maire de Bau-no voulait le lever à son profit, en accord avec le mandarin de la région. Avec un groupe de satellites, il entre d’abord dans la maison de Dieu et mit main basse sur tous les objets. Il passa ensuite au couvent et y répéta la même opération. Les élèves, les catéchistes de la maison de Dieu ainsi que les religieuses ont été préalablement mis à la cangue. Alors les femmes de Bau-no intervinrent. En criant «aux voleurs», elles ont délivré les victimes et arraché les objets volés des mains des pillards. Le maire est reparti confus. Toutefois, un procès, qui y faisait suite, coûta aux chrétiens de grandes dépenses (l).
Par sa lettre du 7 octobre 1858,
Mgr Retord, Vicaire Apostolique du Tonkin Occidental, nous fait savoir qu’un
blocus a eu lieu à Ke-Vinh, où il résida. Le couvent des Amantes de
(1) Ann. Prop- Foi, XXX, pp. 86-88.
[page 128]
Mgr Jeantet, successeur de Mgr
Retord, décrivit les souffrances de trois Amantes de
En Cochinchine, une religieuse de Ke-Bang fut arrêtée le 16 avril 1860, lorsqu’elle arrivait à la douane de Dong-hai. On l’a fouillée, mais pas à fond (ce qui fut interdit dans le pays). On a trouvé sur elle un chapelet et quelques médailles, mais non une lettre écrite en caractères européens et cachés plus secrètement. Après de répétés interrogatoires et flagellations, on l’a condamnée à l’exil au Tonkin, où elle aurait été esclave des mandarins. Quant au couvent de Ke-bang, auquel elle appartenait, il s’est dispersé à temps avant l’arrivée des soldats, qui a eu lieu au mois d’août 1860. On a dû cependant dépenser beaucoup de ligatures pour apaiser les persécuteurs.
Toutes les autres communautés de religieuses se sont dispersées. Les païens menacèrent continuellement de les dénoncer comme porteuses de lettres. Ils connaissaient aussi les familles dont les enfants sont dans le clergé ou dans
(1) Ann. Prop. Foi, XXI, p. 118 et XXXIII, p. 251.
[page 129]
les couvents. Des quantités de présents ou de ligatures ont
pû seulement fermer leurs bouches (1).
En 1858 les Sœurs Marthe Lanh,
supérieure, et Élisabeth Ngo du couvent do Cai-mon (Vinh-Long) ont été
arrêtées, au moment où arrivèrent les troupes franco-espagnoles. Con duites à
Vinh-Long elles ont été soumises à l’interrogatoire, où Élisabeth Ngo, la plus
jeune des deux, a reçu jusqu’à 115 coups de rotin. Complètement épuisée, elle a
été traînée sur
Le Père Louvet donne ce bilan général des années 1858-1862 pendant lesquelles se déroula l’expédition franco-espagnole: 80 couvents de Sœurs détruits; et 2.000 religieuses dispersées. Une centaine ont eu le bonheur de donner leur vie pour la foi.
(1) Ann. Prop. Foi, XXXIV, pp. 23-24.
(2) Ann. Prop. Foi, XXXI, p. 404.
[page 130]
d) L’action des lettrés
Les années 1863-1865 ont été
consacrées à la restauration pour s’apprêter à de nouveaux ravages faits
par le parti des lettrés. Ces derniers formaient le cadre administratif du pays
et ne pouvaient pas supporter la défaite nationale. Au lieu de réviser leur
conception politique, qui tenait d’un conservatisme rigide, ils s’attaquèrent
aux chrétiens considérés comme traîtres du pays. En dehors des centres occupés
par les Français, des scènes de massacre de chrétiens ne con naissaient plus de
limite. Il ne suffit plus aux lettrés enragés d’arrêter les chrétiens et de les
faire fouler
Quelques chiffres, englobant
également les Amantes de
(1) Louvet,
[page 131]
pertes des deux missions du
Tonkin Occidental et du Tonkin Méridional furent les suivantes: 70.000 chrétiens
environ furent ruinés et dispersés; plus de 30 presbytères ou maisons de
paroisses, au moins 200 églises, plus de 300 chrétientés, comprenant environ
14.000 familles, 10 couvents d’Amantes de
Par le compte rendu de l’année
1885, nous savons que les massacres de chrétiens et les destructions de leurs
villages ont fini par anéantir le Vicariat Apostolique de
Parmi les couvents détruits, celui de Dinh-Thuy mérite une mention spéciale: «Les religieuses annamites du couvent de Dinh-Thuy purent échapper en partie à ce massacre. Six seulement furent prises par les bandits et jetées vivantes dans
(1) Ann. Prop. Foi, XLVII, p. 17 et LVI, p. 152.
[page 132]
le puits du couvent, et ensuite recouvertes de fumier. L’un d’elles plus rapprochée de la surface put respirer pendant deux jours; mais épuisée de fatigue, elle se mit à appeler au secours. Un païen passant par là lui répondit par des injures. La religieuse lui ayant dit qu’elle portait trois piastres sur elle, il la retirai et, après lui avoir pris son argent, la jeta dans le brasier de l’église. Cette malheureuse essaya de fuir, alors le païen la saisit et la rejeta dans le brasier après lui avoir écrasé la tête sous une pièce de bois».(1)
A Thac-da, un groupe de
chrétiens a été brûlé: il était composé d’un missionnaire, le Père Barrat, d’un
prêtre vietnamien, de 50 Amantes de
furent pendues
(1) Compte-rendu MEP 1885, pp. 7,84.
(2) Compte-rendu MEP 1903, p. 180.
(3) Dans Revue hist. des Missions, Paris 1930 (Sept.), p. 400.
[page 133]
Vers 1890, l’administration française s’établit presque partout, après les conquêtes militaires. Exceptés quelques mouvements locaux de peu d’importance, la persécution et le massacre des chrétiens arrivaient à leur point final, à cette date.
Le printemps de l’Église
vietnamienne allait venir. Le grain de la foi semé et mort à travers tant de
sacrifices, dont nous avons vu seulement le part réservée aux religieuses,
devait donner naissance à de jeunes bourgeons d’une extraordinaire vitalité
spirituelle. Voilà ce que nous retenons de ces persécutions horribles et
interminables.
Conclusion de la troisième période
Pendant cette période, les
activités principales accomplies par les Amantes de
Notons ensuite le rôle
irremplaçable des Amantes de
[page 134]
Par tant de sacrifices même
sanglants, les Amantes de
[page 135]
Article 5e : La quatrième période, à partir
de 1900.
Le Vietnam va se ramifier, jusqu’en
1960, en dix-sept Vicariats Apostoliques. Excepté dans quatre ou cinq, les
Amantes de
Le genre de vie
Les Amantes de
La sanctification
En dehors des pratiques essentielles que sont l’oraison, la prière, les sacrements et les retraites, d’autres moyens
[page 136]
de piété, comme les livres de
spiritualité pour les Amantes de
Quant au résultat, nous nous en
tenons au témoignage de ceux qui ont eu l’occasion d’apprécier leur piété. Ce
sont des thèmes que nous connaissons déjà. Les Amantes de
Les œuvres
Nous avons insinué la
modification dans la manière d’entreprendre les emplois, au fur et à mesure que
les Amantes de
(1) Mgr Pierre Munagorri O.P.: Trinh-nu-vien.-Sach-Trinh-Nu,
Saigon (Tan dinh) 19l5. Mgr Alexandre Marcou, Sach dây làm nên nhung viêc
bâc minh, Hong-Kong, 1917.
(2) Cf Compte-rendu MEP et Bulletin MEP, la chronique des
Missions.
[page 137]
tion des jeunes filles passera
au premier plan. Toutes les autres œuvres seront diminuées ou transformées. Au
lieu de parcourir les campagnes pour baptiser les petits moribonde, les Amantes
de
Les Amantes de
L’enseignement donné par elles est destiné surtout aux filles; il s’adresse aussi en cas de nécessité aux garçons.
Avant de leur confier l’enseignement,
leurs Supérieurs ont dû penser à les faire instruire. Ce fut une constatation
générale de la nécessité d’instruire les religieuses elles-mêmes. D’analphabètes
qu’elles étaient, elles n’étaient point prêtes à s’occuper d’écoles, au
lendemain des persécutions. Cette situation est ainsi résumée: «A première vue,
on serait
[page 138]
tenté de leur jeter la pierre,
comme étant trop en retard; mais il ne faut pas oublier que Mgr Lambert de
(1) Bulletin MEP, Sept. 1922, pp. 503-509.
[page 139]
Ici il est beau de constater l’aide
mutuelle entre différentes familles religieuses. Les Sœurs de Saint Paul de
Chartres, qui sont venues au Vietnam dès les premières années de l’occupation
française (1862), ont répondu
généreusement à l’appel des Vicaires Apostoliques: elles ont accepté de former
et de diriger les Amantes de
Désormais dans les couvents on
parlera de concours et d’examens passés par les Amantes de
Tout évolue de telle façon que
pendant cette période, en dehors de la vie spirituelle, la plus grande
occupation des Amantes de
[page 140]
Ce passage tiré de l’historique
sur le couvent de Cho-quan (Saigon) confirme notre affirmation : «L’évangélisation des
païens ainsi que l’instruction des catéchumènes est confiée maintenant de préférence
à des catéchistes, hommes ou jeunes gens dont le prestige est mieux coté et accepté que celui des
religieuses; celles-ci ne sont plus chargées de ces œuvres qu’à titre purement
exceptionnel. Le rôle des religieuses semble se réduire, dans les circonstances
actuelles, à celui d’institutrices et directrices de crèches et orphelinats.»(1)
Conclusion de la 4e période
Cette adaptation aux nouvelles
conditions et exigence a rajeuni
(1) Couvent indigène de Cho-quan, Historique et Règlement,
p. 5.
[page 141]
Conclusion du deuxième chapitre et de la
première section
Pour conclure cette première
partie où on pouvait dire tant de choses, notons cette croissance incessante de
Pouvant aller partout sans
éveiller l’attention des persécuteurs, les Amantes de
Chaque chose a son temps. Au
début les Amantes de
Cela ne se fait pas sans qu’on ait
été obligé de modifier le règlement. Nous allons donc passer à l’examen du
statut juridique de l’Institut des Amantes de
*
* *
*
[page 142]
IIe SECTION
L’état juridique de l’institut des Amantes de
L’étude historique de
Pour bien suivre cette évolution,
nous étudierons de près l’état juridique de
[page 143]
Ces questions feront l’objet de deux grande chapitres. Le premier chapitre portera sur le statut juridique conçu par le fondateur et réalisé en fait; le second sur les modifications et les réformes qui ont été introduites au cours des siècles.
CHAPITRE Ier
Le statut juridique des Amantes de la croix.
L’institution des Amantes de
Article 1er : L’Institution des Amantes de
A- Avant de déterminer l’état
juridique des Amantes de
1) Ouvrages consultés :
Jos. Creusen :
l) de juridica status religiosi evolutione, Romae, 1948.
2) Les Instituts religieux à vœux simples, dans RCR, 1940,
pp. 52-63 et 1945, pp. 34-43.
3) Congrégation religieuse, dans DDC, IV.
E.
Jomhart, Instituts séculiers, dans DDC, V. De Institutis Soecularibus, vol. I, dans C.p.R. 1951, p. 311, sq..
R.
Lemoine, Le droit des Religieux, Desclée de Brouwer 1956.
[page 144]
conception de la vie religieuse d’avant le Code du Droit Canon, dans ses grandes lignes.
La discipline de la
profession solennelle.
L’élément constitutif de la vie religieuse officiellement reconnue était pendant des siècles la profession solennelle. « Hors de la profession solennelle, pas de vie religieuse ». Telle fut la règle d’action des Souverains Pontifes jusqu’à Pie IX et Léon XIII.
Notons tout d’abord que l’expression «vœux solennels» signifia les «vœux publics» et que les expressions «vœux simples» et «vœux privés» s’égalèrent. Ici nous avons donc à nous détacher de la terminologie du Code du Droit Canon et à nous référer à celle d’avant le Code.
La profession publique a été d’abord distinguée, par opposition, de la profession privée. Dans ce sens on parlait de vœux solennels et de vœux simples: la distinction revêtait de l’importance au sujet de la validité du mariage qui aurait été contracté par les professes. Il était invalide pour le cas de professes qui ont fait la profession solennelle de virginité ou de chaste veuvage, et valide mais coupable pour le cas de professes à vœux simples.
Au siècle où naissaient les Ordres mendiants, surgirent en leur dépendance de nombreux groupements de Tertiaires, Frères et Sœurs de la charité, pour s’occuper des œuvres de charité et d’hospitalité. Les Tertiaires ne faisaient
[page 145]
pas de vœux ou n’avaient que des vœux strictement privés. Ils n’avaient pas d’habit ni observaient de clôture. Ils étaient donc des groupements séculiers, qui imitaient le genre de vie des religieux.
Le concile de Trente sess. XXV,
de Regularibus et Monialibus, lui, ne légiféra que pour les Réguliers et
Moniales, c’est-à-dire les religieux à vœux solennels. Le chapitre VIII se terminait sur ces mots : « Sont exceptées de
ces prescriptions les femmes qu’on appelle «Pénitentes» ou «Converties» qui s’en
tiendront à leurs Constitutions ! » Ce terme désigne ces nombreuses
Tertiaires de St François, qui vivaient en communauté sans vœux
solennels ; car elles s’étaient appelées communément Sœurs de
Deux Constitutions du Pape Pie V allaient renforcer encore la sévérité de la législation
tridentine.
1) P.A. Gambari, Institutorum soecularium et congregationum
relig. evolutio comparata, dans C.p.R., 1951, p. 316.
[page 146]
La même discipline a été
maintenue et réaffirmée par Grégoire XIII dans sa
Constitution «Deo sacris virginibus» du 30 décembre 1572. Pour sa part,
Cependant l’évolution des idées
dans le sens d’une mitigation faisait son chemin, quoique la manière d’agir de
En soi, l’état religieux ne requiert qu’un acte extérieur reçu officiellement par l’Église. Cet acte peut être une bénédiction solennelle, l’imposition d’un habit, l’admission dans un groupement approuvé, ou un acte plus ou moins explicite de consécration ou de tradition reçu par l’autorité légitime. Par conséquent de soi la profession solennelle n’est pas requise pour qu’il y ait l’état religieux; mais de fait il se confondait avec les Ordres monastiques où les trois vœux solennels furent exigés. Pour les ordres de femmes, la clôture stricte fut exigée en plus de manière extrêmement rigoureuse.
D’autre part, jusqu’à la fin du
19e siècle, le St Siège
[page 147]
n’a légiféré que pour les
Réguliers et les Moniales. Les autres groupements d’hommes ou de femmes ont été
constamment rejetés ou tolérés à contrecœur. A la fin du 19e siècle, le Pape
Léon XIII, par les Constitutions «Ecclesia catholica» du II-VIII-1889
et «Conditae a Christo» du 8-XII-1909, admettaient que les vœux simples
suffisent à constituer l’état religieux, et reconnaissaient 1’existence
officielle des Congrégations religieuses à vœux simples.
Vers la reconnaissance des vœux
simples.
Qu’en était-il de la situation des Congrégations à vœux simples, jusqu’à la fin du 19e siècle? Dans les grandes lignes de l’évolution que nous allons tracer, il nous faut avoir constamment devant les yeux ce que nous avons dit de la profession solennelle. Nous avons vu à propos de la profession solennelle tout l’effort pour l’imposer et pour écarter toute autre forme imitant la vie religieuse. Ici nous verrons comment petit à petit les Congrégations à vœux simples ont fini par se faire reconnaître.
La vie commune apparut assez tôt.
En dépendance des Ordres Mendiants,
les Tertiaires, Frères et Sœurs de
[page 148]
manifestaient, dans la plupart
des cas, le désir de garder le célibat. L’approbation de
La législation tridentine et les
deux Constitutions du Pape Pie V ont porté un coup
de grâce à ces groupements séculiers de Tertiaires, aux Congrégations ainsi qu’aux
Instituts de femmes qui avaient les vœux solennels et qui n’avaient pas la
clôture. Les Congrégations qui voulaient s’adonner aux œuvres d’apostolat et de
charité n’acceptaient pas d’être religieuses; comment les activités extérieures
pourraient-elles être accomplies par des Moniales vivant dans le cloître? Alors
par la nécessité de travailler à
Il est à noter un fait important, qui a eu son in-
[page 149]
fluence sur cette évolution. C’était
la naissance en 1540 de
En attendant que cette situation
soit reconnue sans discrimination, les nécessités du moment continuaient à s’imposer
et à bousculer pour ainsi dire les conceptions strictes du droit. Au demeurant,
St François de Sales s’est vu obligé de faire des Visitandines les Moniales, et
St Vincent de Paul, des Filles de
Les Évêques, les Légats du St
Siège commencèrent par tolérance à approuver des Congrégations A vœux simples;
[page 150]
pose les premiers éléments du droit des Congrégations à vœux simples.
L’élargissement de la conception
de l’état religieux allait en s’accentuant jusqu’à la fin du 18e siècle.
Les vœux solennels répondaient de moins en moins aux conditions des temps et des lieux. Les vœux simples leur étaient préférés dans la plupart des nouvelles fondations. Ils laissaient intacte l’essence théologique de l’état religieux, mais ils n’élevaient pas, à l’état juridique des Réguliers, les Congrégations qui continuaient à être considérées comme des «Associations séculières». Pratiquement, il naissait un état intermédiaire entre l’état religieux et l’état séculier.
Le 19e siècle allait voir les Congrégations à vœux simples accéder à l’état religieux. En raison des malheurs des temps, les Moniales étaient admises à faire des vœux simples. Mais par là même elles cessaient d’être religieuses.
En droit strict, vers 1850 encore, qui dit «Religieux» dit «vœux solennels». Et même avant 1900, les auteurs étaient bien embarrassés à donner des précisions sur le
[page 151]
droit des Congrégations.
Ces dernières s’imposaient par leur nombre. Beaucoup d’elles recouraient au St Siège pour demander l’approbation de leurs constitutions et la détermination du pouvoir des Ordinaires, qui était quasi illimité. La procédure a été alors établie en vue d’examiner et d’approuver les Statuts de ces Congrégations. Par ailleurs le St Siège tranchait la question des conflits sur les pouvoirs entre les Évêques et les Supérieurs. De là certaines Congrégations approuvées devinrent des Congrégations de droit pontifical.
Notons que le 19 mars 1857 le Pape Pie IX dans l’Encyclique «Neminem latet» imposa la profession simple aux Réguliers avant la profession solennelle. Ceci allait dans le sens de la reconnaissance à venir des vœux simples.
Étant donné le foisonnement des
Congrégations, le Pape Léon XIII par
Ainsi les vœux simples ou privés à partir de cette date peuvent être publics, s’ils sont reçus au nom de l’Église. Ils suffisent désormais à constituer l’état religieux. Les Congrégations se voient reconnaître, après tant de siècles d’attente. Donc en dehors de la profession
[page 152]
solennelle, il n’y avait en droit strict que les Associations séculières, à quelques exceptions près, qu’elles aient eu ou non les vœux simples ou privés.
Quant à la terminologie, seuls
les Réguliers et les Moniales méritaient le nom et les droits de religieux. Les
membres des autres Instituts étaient considérés comme de pieux laïcs, ou,
disons des «quasi religieux». Jusqu’à la fin du 19e siècle, la législation
canonique ne s’occupa point d’eux. Cette discrimination garde encore ses traces
dans le Code du Droit-Canon. Les Ordres y sont distingués des Congrégations;
les Réguliers et les Moniales, des Sœurs; mais tous sont des religieux.
B- Application aux Amantes de
En rapport avec notre étude, ce
passage de Saint François de Sales reflète, par une classification originale,
la mentalité canonique du 17e siècle, où sont nées les Amantes de
«Les unes ont été réduites en
terme de Religion formelle au moyen de la profession que l’on y fait par les vœux
solennels..., les autres sont demeurées au titre de simples congrégations, à la
façon don anciennes. Toutes néanmoins sont en état de perfection, comme encore
les femmes et filles qui, par vœu ou oblation manifeste, se sont dédiées à
Dieu, bien qu’elles ne soient point
[page 153]
rangées sous aucune Congrégation, puisque pour être en état de perfection il suffit que par une solennité publique on se soit dédié et obligé de servir Dieu en quelque façon convenable pour acquérir la perfection. Mais il faut en cet endroit considérer qu’il y a divers degrés en l’état de perfection, comme tous les Docteurs l’avouent... Les Évêques tiennent le premier rang... Les Religieux de vœux solennels et parfaits tiennent le second rang...
Le troisième rang est de ceux qui par les vœux parfaits, mais simples, se sont rendus de vraies religieuses: comme sont les étudiants de la très honorable Compagnie de Jésus...
Le quatrième rang est de certains Ordres que le Saint Siège a reçus et approuvés en titre de Religion, encore qu’ils ne fassent pas tous les vœux essentiels, et que de plus, ils ne fassent que des vœux imparfaits en comparaison des autres religieux... Tels sont les chevaliers surnommés du Christ en Portugal, et plusieurs autres qui sont tant en France qu’en Italie: tous lesquels, quoique plusieurs excellents docteurs nient pouvoir être nommés religieux, doivent être dits et tenus pour tels... puisque le Saint-Siège les accepte pour tels et les honore de ce nom.
Le cinquième rang appartient à toutes les autres Congrégations, tant d’hommes que de femmes, dans lesquelles on s’oblige, soit par vœu simple, soit par oblation, soit par simple protestation et déclaration
[page 154]
publique, à la pratique des vœux évangéliques; lesquelles, bien qu’elles soient de beaucoup plus grande perfection que celles des Chevaliers mentionnée, quant à la pratique, ne sont pas néanmoins si avant dans l’état de perfection selon la police (gouvernement) extérieure de l’Église, ni ne portent pas le titre de Religion entre ceux qui manient les affaires ecclésiastiques, puisque le Saint-Siège ne leur donne pas ce nom, ains (mais) les laisse sous le simple nom de Congrégations pieuses et dévotes, comme le témoigna le Docteur Navarre...
Le sixième rang est de ceux qui, hors de Congrégation, font profession spéciale de vivre dévotement par quelque vœu, oblation ou protestation manifeste (1)».
Dans ce texte, le terme de «Religion» a la signification conforme à celle du droit. Il s’applique aux Instituts dans lesquels on fait les vœux solennels, qui comportent pour les femmes l’observation de la clôture absolue et perpétuelle, prescrite par le Concile de Trente. Le terme de «Congrégation» par contre, d’après Saint François de Sales, comprend tous les groupements plus ou moins religieux.
En ce qui concerne les Amantes
de
(l) Texte de Saint François de Sales cité dans R.Lemoine, Le
droit des Religieux, Desclée de Br. 1956, p. 43.
[page 155]
cette fluctuation d’avant la fin du 19e siècle et d’avant le Code du Droit-Canon,
L’exposé des documents:
1. Dès l’année 1667, soit trois ans
avant la fondation de l’institut des Amantes de
2. Le fondateur, Mgr Lambert de
3. Le premier synode tenu à
Dinh-hien (au Tonkin) le 14 février 1670, sous la présidence de Mgr Lambert de
1) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.
75 - Cf. Hist. Christianisme dans les Indes Or., p. 58,
2) Launay, HMT, I, Paris 1927, p, 101.
3) Launay, HMT, I, Paris 1927, p, 103.
[page 156]
garder la continence, se
voueront au service de Dieu toute leur vie, pour vivre en commun, suivant les Statuts
par Nous (Mgr Lambert de
4. Avant de quitter le Tonkin
pour retourner au Siam, Mgr Lambert de
5. Le Père de Bourges écrit ceci
à la même date que la fondation de l’Institut des Amantes de
six filles pour embrasser la même manière de vie»(2).
6. Le Père Vachet a laissé ce témoignage sur la fondation faite en Cochinchine en 1671: «C’est à An-Chi, pendant que M. Guisart allait à Faifo préparer toutes choses
1) Launay, HMT, I, Paris, 1927, pp.
96-110.
2) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.
105.
[page 157]
pour le Synode, que M. de Bérythe
institua une congrégation de filles qui firent vœu de virginité perpétuelle, de
demeurer ensemble et de vivre sous une supérieure, quoiqu’elles fassent
habillées de même sorte de la manière la plus simple du pays; il ne jugea pas à
propos de les voiler, il les appela les Amantes de
7. Mgr Pallu, Vicaire Apostolique du Tonkin adressa de Surate(2), le 11 novembre 1671, aux procureurs sous sa jurisdiction (les Pères Deydier et de Bourges), une instruction où les règles d’action sont clairement formulées: «Pour ce qui est des ferventes chrétiennes que Mgr de Bérythe a réunies ensemble sous certaines règles et qui font les trois vœux simples de chasteté, pauvreté et obéissance il faut bien prendre garde de demander la confirmation de leur Institut comme d’une nouvelle religion (ou ordre); les choses n’en sont pas là, et si on le prétendait, on se trouverait bien éloigné de son compte. Ce n’est qu’une simple congrégation comme il y en a beaucoup en Europe; il la faut exposer comme elle est, aux yeux du Saint-Siège, afin qu’il y ajoute, qu’il y diminue ou modifie ce qu’il jugera à propos. Pour la manière, j’estime qu’il faudrait demander des Indulgences pour
1) Launay, HMC, I, Paris 1923, p.
97.
2) Il y passa pendant son voyage do retour on Europe : cf. supra
p. 23.
[page 158]
une congrégation de filles que Mgr de Bérythe a érigée au Tonkin, qui font les trois vœux simples et qui ont tels et tels exercices, telles et telles règles, observant en cela ce qui se pratique à Rome pour l’érection des nouvelles confréries» (1).
8. Des débuts de la congrégation
des Amantes de
à ce dessein, et qui vivaient déjà ensemble sur la fin de cette année (1672) en esprit de communauté»(2).
9. Dans sa lettre envoyée a sa sœur le 2 décembre 1677, le Père Deydier dit que les 900 ou 1.000 francs envoyés par sa famille seront employés à «une œuvre pie qui est une Congrégation de femmes et de jeunes filles qui vivent ensemble sous une règle assez austère» (3).
10. L’année 1678 le Saint-Siège
approuva l’Institut des Amants de
11. Durant son séjour à Rome (1677-1680) Mgr Pallu donna en 1679 aux Provicaires, les Pères Deydier et de Bourges, cette directive pour le gouvernement du Vicariat
(1) (3) Launay, HMT, I, Paris, 1927, pp.
105, 106.
(2) « HMS, Doc. Hist., I, Paris 1920, p. 24,
(4) Cf. supra p. 54.
[page 159]
Apostolique du Tonkin dont il était le pasteur: «Cum autem haec (Confratemitas Rosarii), et utriusque sexua Amantium Crucis Confratemitas, a Rev.mo D.Petro Berythensi episcopo instituta, ac plurimis Sanctae Sedi concessionibus insignita, ad fidelium devotionem pro nunc sufficiant, omnibus et singulis, quamlibet aliam Confraternitatis, societatis ac congregationis speciem, quae non esset a Nobis approbata, omnino prohibemus, juxta facultatem»(1).
12. En 1685 les Vicaires
Apostoliques du Tonkin et de
13. Mgr Reydellet, Vicaire
Apostolique du Tonkin Occidental écrivit ceci à son frère, au sujet des Amantes
de
14. Un an après, Mgr Piguel,
Vicaire Apostolique de
(1) Launay, HMT, I, Paris, 1927, p.
173.
(2) Cf. supra p. 52: «Septium respicit ea quae... concedatur».
(3) NLE, VI, pp. 133-134.
(4) Launay, HMC, II, Paris 1924, p.
433.
[page 160]
Mgr Garnault, Vicaire
Apostolique du Siam, sur les Amantes de
16. Dans le compte-rendu des travaux
de l’année 1902 en ce qui concerne les Missions confiées à
association indigène qui porte
le nom de Sœurs Amantes de
Saint-Siège avec le Synode de 1670 (au Tonkin). Ces pieuses filles ne font point de vœux; mais elles mènent une vie très pénible et très mortifiée...»(2).
17. Nous relevons enfin une
expression analogue «les couvents indigènes ont toujours été de simples
communautés de pieuses personnes» dans le «Bulletin de
1) Launay, HMS, I, Paris, 1920, p.
193 et II, Paris 1920, p. 337.
2) Compte-rendu MEP, 1902, p„161,
[page 161]
L’examen des textes
Presque tous ces textes parlent de la «vie commune» par des termes «mener ensemble une vie...», «vivre en commun», «vivre ensemble», «réunis dans une même maison et sous une môme règle...», «vivre dans une seule maison», «vivre en esprit de communauté», «association de personnes pieuses», «communautés de pieuses personnes». Beaucoup d’autres utilisent le terme de «congrégation à vœux simples»(l). Quelques textes insinuent le sens d’une «confrérie»: ce sont les textes 7, 10, 11, 12, 16. Deux textes enfin, 7 et 12, parlent dans le sens d’un «ordre» ou d’une «religion», mais pour l’écarter de manière définitive.
En faisant, dans la mesure du possible, une distinction des termes dans leur acception ancienne, et on procédant par élimination, nous pouvons établir les points suivants:
I. L’Institut des Amantes de
II, Était-ce une Confrérie. Les associations pieuses, qui correspondaient à nos
(l) Les textes nos 2, 5, 7, 12.
[page 162]
Confréries actuelles, furent désignées indifféremment par plusieurs mots, même par celui de congrégation. Le terme «Confrérie», lui, signifia:
- Les associations de fidèles se proposant, pour but, l’exercice des œuvres de piété et de charité. En ce sens, il s’appliqua aussi aux pieuses unions.
- Les associations de fidèles organisées en corps organiques, et, qui exercent les mêmes œuvres. Pris en ce sens, le mot de «Confrérie» différa des pieuses unions.
- Les associations de fidèles, qui sont constituées de manière organique par l’autorité ecclésiastique, et, qui se proposent comme but non seulement l’exercice des œuvres de piété et de charité, mais aussi l’accroissement du culte public,
Beaucoup de textes semblent
admettre que les Amants de
l. Parce qu’elles observaient la vie commune. Les
[page 163]
nombreux textes que nous avons cités l’attestent.
2. Parce qu’elles pratiquaient certaines règles très sévères. Pour cela les missionnaires les ont comparées aux religieuses appartenant aux ordres ou monastères les plus sévères d’Europe,
3. Parce qu’elles pratiquaient les vertus de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, même sans avoir fait de profession. Par conséquent leur but premier fut d’atteindre la perfection par la voie des conseils évangéliques.
Comment comprendre alors les textes parlant dans le sens d’une confrérie? A les lire attentivement, nous devons les interpréter dans un sens différent.
a) Le texte no 7 déclare clairement que l’Institut des Amantes de
b) L’argument non moins décisif vient de la signification imprécise du terme «confrérie» avant le Code. Nous savons qu’avant le Code son sens était très fluctuant. Les termes «confratemitas», «sodalitas» «sodalitium», «confraternitas laicorum», «congregatio», «pia unio», «so-
[page 164]
-cietas», «coetus», «consociatio»(1) furent employés les
uns pour les autres jusque dans une seule et même pièce. Nous avons donc
affaire ici à une terminologie imprécise. C’est ainsi qu’il faut comprendre les
textes nos 10, 11, 12. En plus, le terme «confraternitas» y a été utilisé
plutôt que celui de «Congregatio», pour désigner à la fois
III. Était-il une Congrégation à vœux simples?
Ici nous devons distinguer entre
le principe et le fait. En principe, les Amantes de
Nous en avons la confirmation dans un passage du Père Launay: «Des veuves et des jeunes filles s’étaient
(1) Article «Confrérie», dans DDC, IV.
[page 165]
déjà réunies, désireuses de
mener une vie plus chrétienne; il (Mgr Lambert
de
Le même auteur, en comparant les
Amantes de
Donc d’après l’intention de leur
fondateur, les Amantes de
Comment les choses se sont-elles passées dans la pratique, c’est ce qui nous reste à établir. Tout est de
(1) Dans Hist. Soc. MEP I, Paris 1894, pp.
142-144 et III,
Paris 1894, p. 556.
[page 166]
savoir si les Amantes de
au fait (ont-elles, oui ou non, fait la profession simple?)
Une première série de textes nous montre que certaines d’entre elles ont émis des vœux de religion:
Aux premiers jours de leur Institut,
deux Amantes de
En 1676 Mgr Lambert de
1) Cf. supra p. 79,
2) Launay, HMT, I, Paris 1927, p.
104: Cf. supra p.35.
[page 167]
ce royaume (de
Dans l’Introduction aux NLE, VI,
CVI, le rédacteur note ceci au sujet des Amantes de
(1) M. Vachet aux Directeurs du Séminaire des M.E., 20 oct.
1677 ; Cf. Mgr Lambert de
2) NLE VI, p. 133-134.
[page 168]
Plus tard Mgr Labartette, Coadjuteur
(1782), puis
Vicaire Apostolique de
En 1846 Mgr Retord, Vicaire Apostolique du Tonkin Occidental disait qu’elles ne faisaient pas de vœux sinon simples et temporaires (2).
D’autres textes affirment que
les Amantes de
(1) A.P. Act. Cong. part. super rebus Sin. 1802-1808, p.
557 : cité dans Launay, HMC III, Paris 1925, p.
466.
(2) Ann. Prop. Foi XIX, pp.
315-316.
[page 169]
En 1751, Mgr Néez, Vicaire
Apostolique du Tonkin Occidental donna ces précisions sur les Amantes de
Une notice dans les Annales de
Dans le compte-rendu des travaux
de l’année 1902, nous lisons ceci sur les Amantes de
En 1931, un auteur écrit ceci
sur le passé des Amantes de
(1) Mgr Néez, Clergé tonkinois, Paris 1925, p. 273.
(2) Ann. Prop. Foi VIII, p.
392, en note.
(3) Compte-rendu MEP 1902, p. 161.
[page 170]
soins dont elle eut eu besoin pour progresser dans les voies de la vie religieuse. Elle fut donc un peu abandonnée à elle-même et jusqu’à ces derniers temps, ses membres, à part la vie commune et l’observation de règles aussi simples que peu nombreuses, n’avaient à peu près rien de religieuses, pas même les vœux ni l’habit» (1).
Par le bulletin des MEP, nous
savons encore que les Amantes de
Tous ces textes visent la
période non évoluée des Amantes de
a) que, du vivant de Mgr Lambert de
b) que, par la suite, elles ne faisaient ordinairement plus de vœux, que
quelques unes cependant ont été admises à la profession à l’âge de quarante ans
et au-dessus. Il s’agissait de la profession privée: l’Institut des Amantes de
c) un texte, celui de Mgr Retord, nous laisse dans le doute. «Elles ne font pas, dit-il, de vœux
(1) et (2) Bulletin MEP, no 112, avril 1931 pp. 295-296 et no 193,
janvier 1937 p. 58.
[page 171]
sinon simples et temporaires»,
ce qui pourrait être interprété: «les Amantes de
Mais la phrase de Mgr Retord ne
doit pas être comprise séparément. Il a voulu affirmer par là que les Amantes
de
Les arguments suivants tranchent définitivement la question:
Premièrement il suffit que la
profession ait existé, pour pouvoir en affirmer la pratique d’une manière
générale. Or l’ensemble des textes, concernant la profession, nous porte à la
conclusion contraire: les Amantes de
Deuxièmement la confrontation des textes suivants confirmera notre affirmation. En mettant en parallèle ce texte de Mgr Retord qui datait de 1846 et celui du rédacteur de l’article sur le Tonkin Occidental, dans le compte-rendu MEP en 1902, il s’agit là de deux avis de la même valeur sur les religieuses du même Vicariat Apost., celui du Tonkin Occidental (actuellement Ha-noi), qui engloba en 1846 également les Vicariats Apost. du Tonkin Méridional, du Haut-Tonkin, et du Tonkin Maritime. Le texte dans le compte-rendu porte simplement ceci: «Ces pieuses filles ne font point de vœux». Ce qui laisse intacte l’affirmation
[page 172]
que quelques-unes seulement ont été admises à la profession simple et temporaire, après l’âge de quarante ans.
Conclusion:
Ainsi en principe les Amantes de
Par conséquent l’absence de la
profession même simple, sauf chez quelques-unes, et de la clôture indiquent
clairement que les Amantes de
[page 173]
et des Instituts à vœux solennels, il n’y avait rien de précis.
Pour la même raison, la
distinction, que nous avons établie plus haut, entre «Confrérie» et «Congrégation
à vœux simples» a eu pour but, plus celui de saisir par des approches la nature
de l’Institut des Amantes de
Dès lors, si les Amantes de
Or avant le Code, il existait
aussi un grand nombre de ces Sociétés, dont les membres vivaient on commun,
mais sans se lier par des vœux. Chez d’autres la profession privée était laissé
â l’initiative personnelle; chez d’autres on faisait un ou deux ou trois vœux
privés. Ce qui est sûr c’est que toutes ces Sociétés se sont inspirées de l’esprit
des conseils évangéliques. Pour cette raison, l’Église a reconnu en elles un
nouvel état de perfection, et les a rangées, dans le Code du Droit-Canon, après
les Congrégations religieuses, et, avant les autres associations pieuses,
[page 174]
Donc, d’après ce que nous avons établi,
l’Institut des Amantes de
«Les Amantes de
(l) Dans sa lettre du 21 nov. 1959, adressée à moi-même, de
Voreppe (Isère-France).
[page 175]
Article 2e: Le Règlement original des Amantes de
Le but de cet article sera d’indiquer,
dans un aperçu global les points importants du Règlement original des Amantes de
Les points caractéristiques du
Règlement:
Le Règlement original observé
par les Amantes de
1) l’occupation principale est de méditer tous les jours les souffrances du Sauveur,
2) Elles devaient faire les trois vœux simples de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, et vivre ensemble par groupes de 10 au plus, sous l’autorité d’une supérieure.
3) Elles n’observent pas de clôture en raison do leur emplois (l’instruction des jeunes filles, la visite des femmes et des filles malades, le baptême de petits enfants moribonds, la conversion des femmes païennes ou perdues).
4) D’autres points caractéristiques du Règlement sont: le lever est à 4 heures du matin après six heures de sommeil. L’oraison dure une heure: elle consiste à méditer sur la passion du Sauveur; elle est suivie, s’il
[page 176]
y a lieu, de la discipline, pendant la durée d’un «misrere». La discipline se donne deux ou trois fois par semaine. Le jeûne est observé deux fois par semaine, la vendredi et le samedi. L’abstinence est perpétuelle, excepté les jours de Noël, de Pâques et de Pentecôte. Ces austérités sont multipliées pendant le temps quadragésimal.
Quelle ressemblance y a-t-il
entre ce règlement et celui des Visitandines?
Le rapprochement entre les deux Règlements a été établi plus d’une fois (1). Les convergences qu’on peut établir entre les deux Règlements sont les suivants:
1) En ce qui concerne les rapporta entre les différentes maisons: chez les
unes comme chez les autres, ce sont des maisons indépendantes l’une de l’autre.
Pour les Amantes de
ont été groupées en Congrégation quasi-diocésaine unifiée, à partir de l’année 1925, soit après deux siècles et demi depuis la première fondation.
2) Chez les Visitandines comme chez les Amantes de
1) Launay, HMC, I, Parie 1923 p. 97
et III, Paris 1925, p. 147. Louvet,
[page 177]
les Visitandines, le chapitre VII des Règles prescrit: «Domptez votre chair par jeûnes et abstinence du manger et boire autant que la santé le permet. Or quand quelqu’une ne peut porter le jeûne, que toutefois elle ne mange pas hors le repas, sinon qu’elle fut malade».
3) L’observation du silence est également un point commun entre elles.
4) Des activités, deux se rencontrent; l’instruction des jeunes filles et le soin des malades dans les hôpitaux ou au sein des familles. A cause de ces emplois, elles furent dispensées de garder la clôture.
Des points divergents sont en grand nombre. Les Visitandines sont passées de l’état d’une Congrégation à vœux simples à celui d’un ordre à vœux solennels, avec toutes ses conséquences, cela déjà du vivant de Saint François de Sales. Ainsi elles ont adopté la clôture stricte. Mais il n’y a pas lieu d’en parler ici.
Ainsi les points communs entre les deux Règlements, auxquels les documents font de fréquentes allusions, sont l’observation du silence, et de grandes austérités, l’instruction des jeunes filles, la visite des malades et des pauvres, avec la dispense de la clôture.
Application du Règlement
original des Amantes de
Nous n’avons pas à revenir sur la vie spirituelle et sur la pratique des austérités. Il convient d’indiquer ici les points du Règlement qui n’ont pas été appli-
[page 178]
qués ou qui ont été différemment appliqués.
Nous savons que la profession simple au sons ancien du terme a été différée, en raison du manque de formation des religieuses et aussi des persécutions qui obligèrent les religieuses à se disperser continuellement.
Le premier des emplois, a savoir
l’instruction des jeunes filles se limita, pendant deux siècles et demi
environ, à l’enseignement du catéchisme. L’instruction proprement dite n’a pu
être réalisée qu’au moment où les Amantes de
Les autres emplois ont été
réalisés plus ou moins normalement, comme le permettaient les conditions du
moment. Ils ont subi des changements, le jour où les Amantes de
Quant au nombre des religieuses dans chaque maison, le Règlement précisait qu’il ne devait pas dépasser le nombre de dix pour le «temps présent» (Article 2e des Constitutions). Ce «temps présent» peut être compris, premièrement comme le temps initial où les moyens matériels limités ne pouvaient soutenir des maisons plus nombreuses; deuxièmement comme le temps
[page 179]
périlleux en raison des persécutions, durant lesquelles les communautés plus nombreuses auraient échappé plus difficilement aux recherches.
Que ce soit dans un sens ou dans l’antre qu’on interprète cette expression, le nombre de religieuses dans les différentes maisons a presque toujours dépassa le chiffre fixé, cela aux premiers moments de L’Institut comme aux temps de persécution. La maison à Quang-nghia avait en 1676 douze religieuses; celle do Kiên-lao, seize religieuses en 1682. Les religieuses atteignaient dans beaucoup de maisons le chiffre de 15, 20, 30 ou 40, ou même 60. Le seul cas, où le chiffre nous parait respecté, est signalé vers 1715 par Mgr Bélot, Coadjuteur du Tonkin Occidental. Il s’agissait de 15 maisons à Nghe-an qui avaient en tout 150 religieuses (1).
Ce règlement sommaire, dont l’application
fut encore modifiée selon les circonstances réelles, a présidé pendant
longtemps à l’existence des Amantes de
(1) NLE VI, pp. 138-134.-
Ann. Prop. Foi XXXIV, pp. 23-24.- Launay, HMC, I, Paris, 1923, p. 198 et HMT, I, Paris 1927, pp. 320,
592-593, etc.
[page 180]
Article 3e : Les
incidents juridiques dont les maisons dans le Tonkin Oriental furent l’objet.
Les Amantes de
Les Vicariats du Tonkin Occidental
et de
Le Vicariat Apost. du Tonkin
Oriental par contre, a été confié aux Pères Dominicains espagnols de la
province de Manille (Philippines). C’est dans cette partie que les Amantes de
Les premières tentatives des Pères Dominicains pour
[page 181]
changer leurs Constitutions vers les années 1709-1710(l).
Ont été l’objet de ces mesures, les
trois maisons d’Amantes de
L’ordre des Supérieurs
Dominicains fut tout simplement un acte de contrainte. Les Amantes de
Il a conseillé d’une part aux
Amantes de
(1) Cf. Launay, HMT, I, Paris 1927, pp. 362-363.
[page 182]
de rester fidèles à leur Institut et de prier les Pères Dominicains de ne pas les obliger toutes à faire des vœux pour toujours, mais seulement pour peu de temps, pour un an par exemple; d’autre part il déféra l’affaire à Rome où Nosseigneurs Conon, de Lionne, Charmot étaient chargée de faire la démarche auprès du Père Général de l’Ordre de Saint Dominique.
Les missionnaires Dominicains du Tonkin Oriental n’ignoraient pas cette intervention et ils n’ont pas insisté probablement après l’échec de leur tentative.
Les secondes
tentatives de Pères Dominicains pour changer l’Institut des Amantes de
L’affaire se calma et rebondit
avec beaucoup plus d’âpreté un demi-siècle plus tard. L’occasion en fut la
visite des Missions du Tonkin, faite par Mgr Rosalieuse, Vicaire Apost. de Xensi
et de Xansi, le Visiteur Apostolique. Les maisons des Amantes de
1) Première phase de la controverse :
Un premier dossier fut envoyé à
La première pièce de ce dossier, qui
émana du
[page 183]
Vicaire Provincial O.P. du
Tonkin Oriental, relate le fait de l’admission des Amantes de
Mais la deuxième pièce provenant
du Visiteur Apostolique le contredit complètement. D’après les renseignements
de ce document, on en voulait aux Amantes de
(1) Cf. supra pp. 21-22.
[page 184]
-serter leur Institut. Elle envoya
aussi en 1764 aux Amantes de
- celles qui sont passées au
Tiers Ordre de Saint Dominique ne doivent pas retourner à l’Institut des
Amantes de
- elles auront la liberté de le reprendre, si elles le désirent unanimement.
- en attendant, elles ne portent pas d’habit dominicain, ni abandonnent leurs habitudes, particulièrement en ce qui concerne l’instruction des jeunes filles(l).
2) Deuxième phase de la controverse (2) :
Des suppliques et documents ne cessaient
d’affluer vers
(1) A.P. Act. Congr. part. super rebus Sin. 1785-1787, ff
281-282.
2) Ibid. ff 406-408, 519, 548-
[page 185]
Les pressions des Supérieurs
Dominicaine continuèrent de harceler les Amantes de
Il semble qu’il y ait eu ici un
hiatus entre les faits. Premièrement les décisions de
Alors quels sont les auteurs de la supplique en question?
Les Amantes de
[page 186]
obtenu du Vicaire Apostolique du
Tonkin Oriental la permission d’ouvrir à Ke-he une nouvelle maison d’Amantes
de
3) Conclusion de la controverse.
En tous cas le Décret de
- des Amantes de
- désormais il n’est pas licite
pour une Amante de
Tout rentre ainsi dans l’ordre. Les
Pères Dominicains ont établi quelques éclaircissements pour se disculper. Il
semblé qu’ils n’aient pas eu tout à fait tort cette fois, car, le 14 mars 1795,
le Vicaire Apostolique du Tonkin Occidental, Mgr Longer, exprima le vœu que
[page 187]
sées à lui pour pouvoir entrer dans le Tiers Ordre de Saint Dominique.
Depuis, les Supérieurs
Dominicains ont déposé quel que peu l’esprit partial qu’ils ont mis à
développer l’influence propre à leur Ordre. Après ces événements, les maisons
des Amantes de
Notons pour finir, que les Pères
Dominicains ont voulu changer les maisons des Amantes de
*
[page 188]
CHAPITRE 2e
Les réformes
Plusieurs réformes ont été entreprises
du cours des siècles pour amender le Règlement des Amantes de
La localisation des Amantes de
Des origines jusqu’à cette date,
les Amantes de
Des trois articles de ce chapitre,
le premier et le second se reportent à l’époque allant de l’année de la
fondation (1670) au milieu du dix-neuvième siècle; le troisième, à l’époque postérieure
et surtout aux alentours de l’année 1925, où bon nombre d’Amantes de
[page 189]
Congrégation à vœux simples.
Seront étudiées par conséquent, dans cet ordre, les mesures prises pour les
Amantes de
Article 1er : En Cochinchine: les tentatives
de modification du Règlement et la «deuxième fondation» de l’Institut des
Amantes de
Les raisons:
1°. Le Viêtnam est un pays situé en longueur. Le climat n’est pas le même dans le Nord (Tonkin) que dans le Sud (Cochinchine) et le tempérament s’en ressent.
2°. Les emplois extérieure des
Amantes de
Les deux considérations ont
influencé, à mon avis, sur la modification du Règlement pour les Amantes de
[page 190]
-nu: le Père Le Noir MEP,
missionnaire apostolique en Cochinchine, le Père Levavasseur MEP également
missionnaire apost. en Cochinchine, et Mgr Labartette MEP coadjuteur, puis
Vicaire Apostolique de
Les différentes mesures:
Comme antécédent lointain, nous trouvons ce relâchement signalé par le Père de Courtaulin, dans les premières années qui suivaient la fondation en Cochinchine (1671). Dans le grand couvent do Bao-Tây, on a abandonné en 1675 la pénitence. Les filles qui se sentaient, peu portées vers l’ascèse, se sont laissées aller. Le climat de Viêtnam Sud stimule peu la nature à l’effort. Si la volonté démissionne, c’est alors le débâcle. C’est ce qui arriva au couvent en question (1).
Ce fait n’est pas un argument direct pour prouver les modifications adoptées, mais il révèle un état de choses qui ne s’est pas passé au Tonkin par exemple.
La première tentative manquée (vers 1679) :
La première tentative de
modifier le Règlement pour les Amantes de
(1) Cf. Launay, HMC, I, Paris 1923, pp. 172-174,
[page 191]
de sept ou huit ans de 1a fondation. Ce n’est pas qu’un incident de très courte durée et sans conséquence.
Un missionnaire, le Père Le Noir
voulut changer les Constitutions des Amantes de
Donc nous ne savons rien de ce
que le Père Le Noir voulait ajouter ou abolir dans le Règlement des Amantes de
Le second essai de donner un
Règlement nouveau aux Amantes de
La deuxième amorce pour modifier
le Règlement des Amantes de
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923, p.
253.
[page 192]
le Père Levavasseur qui arriva en Cochinchine à la deuxième moitié du 18e siècle,
A ce moment-là, les Amantes de
La mort prématurée du Père Levavasseur
(mort en 1777)
ne lui a pas permis de donner suite à son travail, Par ailleurs Mgr Labartette
allait à la même date, se consacrer au rétablissement des religieuses de
(1) Cfr. supra p,84,
(2) Cf. Launay, HMC , II, Paris 1924, pp. 118, 433, et III, Paris 1925, p. 146.
[page 193]
parlerons bientôt. Ainsi noue ne savons pas non plus les «Règles générales» établies par le Père Lavavasseur.
La troisième opération: la «re-fondation»
de l’Institut des Amantes de
Les choses en étaient là, quand
Mgr Labartette y mettait sa main. Sa compétence dans la matière, son dévouaient
à la cause des religieuses, sa qualité do Coadjuteur et de Vicaire Apostolique
ont concouru à donner une nouvelle direction à l’Institut de
Pour ce qui est de susciter de
nouveau la vie religieuse en Cochinchine, rappelons que les Amantes de
[page 194]
-caire Apost. voulait conserver
l’Institut des Amantes de
N’ayant pû réaliser son projet d’instituer
une nouvelle Congrégation, Mgr Labartette reprit le Règlement original des Amantes
de
Ainsi Mgr Labartette n’a pû
réaliser son projet de fonder une Congrégation nouvelle. Il a réussi cependant
à enlever du Règlement des Amantes de
(1) Cf. Launay, HMC, III, Paris 1925, p. 147; NLE, VIII, p. 381; Louvet,
[page 195]
la vie des Amantes de
En conséquence jusqu’à la fin du
18e siècle, tout ce qui concerne, les Amantes de
Donc cotte rénovation parut, a
cette époque, une déviation par rapport à l’impulsion initiale donnée à l’œuvre
dos religieuses. Mais de nos Jours au 20e siècle, on a tendance à en faire
autant pour les Amantes
[page 196]
de
[page 197]
Article 2e: Au
Tonkin :(1) Les principales mesures complémentaires ajoutées au Règlement des
Amantes de
Jusqu’à de nos jours, les
Amantes de
(1) Il faudrait distinguer le Tonkin Occidental où se
trouvait la majeure partie des Amantes de
(2) Circulaires, Tonkin Central, II; Synode Tonkin en 1900; Circulaires, Tonkin Occidental, II.
[page 198]
- sur les sorties et les visites des religieuses; - sur l’entrée des hommes dans leurs maisons;
- sur leur travail dans les champs;
- sur les sanctions contre celles qui furent renvoyées ou retournées dans le monde.
1° Au sujet des sorties et des
visites des religieuses:
a) Pour ce qui est des sorties des religieuses dans le village ou des entrées dos villageois dans le couvent, la supérieure cherchera à éviter aux religieuses toute occasion inconvenable.
b) Les religieuses ne doivent pas aller planer partout, et visiter toutes sortes de gens. Celles qui sont encore jeunes, ne doivent pas être envoyées au loin pour faire le «petit commerce».
Pour le baptême des enfants d’infidèles,
qui exigea souvent de longs séjours de deux ou trois mois en dehors du couvent,
on ne doit employer que les sœurs d’un âge mûr, en leur donnant à chacune une
compagne sérieuse. L’âge apte à remplir cet office est fixé à quarante ans et
au dessus. Une des deux religieuses doit l’avoir.
c)
Il leur est interdit plus rigoureusement d’aller visiter les prêtres ou les
membres de la «maison de Dieu», durant leurs «courses apostoliques». Ce faire s’avère
un danger plus grand que d’aller visiter.
[page 199]
sans raison, les gens mariés, ce qui est également interdit.
d) Il leur est également interdit de recevoir seules les visiteurs.
e) Il ne leur est permis de rendre visite, de présenter des cadeaux à l’occasion du Nouvel An, et de parler de leurs affaires qu’au provicaire et au curé, en outre au Vicaire Apostolique.
En somme, dans les sorties, elles doivent éviter le plus possible les occasions de pécher par la concupiscence charnelle.
2° Au sujet de l’entrée des hommes dans leurs maisons:
a) Les membres de la «maison de Dieu» (séminaristes et catéchistes) et les curés ou prêtres ne peuvent entrer dans la maison des religieuses sans nécessité. En cas de nécessité, ils doivent se faire accompagner en s’y rendant.
b) Ils ne doivent pas prendre de repas dans les couvents, même s’ils sont invités par les religieuses;
c) Les prêtres, étrangers ou nationaux, ne doivent pas admettre les religieuses à faire leurs chambres, ni à leur servir à table(1).
(1) Cf. Synodus Vicariatus Sutchuensis anni 1803 - Romae
1869, p. 118. Le Synode Tonkinois de 1900 nous y renvoie.
[page 200]
3° Au sujet de leur travail dans les champs:
Le travail des champs requiert nécessairement le concours des hommes, au sujet duquel il est établi:
a) que les religieuses ne doivent pas louer les hommes trop jeunes ou peu sérieux. Il leur faut trouver pour le mieux des hommes mariés ou qui ont accompli quarante ans.
b) que
c) que s’ils sont embauchés pour toute l’année, on lui paiera ce qui est nécessaire. Leurs femmes prépareront leurs repas.
d) qu’il n’est même pas permis de les laisser manger au parloir du couvent, sauf pour le cas où les religieuses doivent préparer leurs repas, ce qui n’est toléré que si l’on ne peut faire autrement.
e) qu’en tout cas il est sévèrement interdit de les loger et laisser dormir dans le parloir. On doit trouver pour ces mercenaires annuels un logement en dehors du couvent.
f)
que c’est souhaitable que les religieuses cessent de cultiver les rizières par
elles-mêmes, et qu’elles les louent. Cependant le Vicaire Apostolique du
[page 201]
Tonkin Occidental le tolère, quand les rizières se trouvent près du couvent, à une heure de marche ou moins encore.
4° Au sujet de celles qui sont renvoyées ou retournées dans le monde:
a) Il leur est interdit de se faire recevoir dans les endroits où elles sont passées. Les chrétiens ne doivent plus les accueillir comme avant, car étant «ingrates envers la grâce divine», elles ne méritent plus la charité ni le respect des fidèles.
b) Il leur est interdit de se marier dans les endroits où elles ont travaillé.
Il ne leur reste que de rentrer dans leurs familles. En cas d’infraction, les sanctions seront imposées selon la gravité des fautes.
Ces mesures n’ont pas été toutes prises, avant l’an 1850 comme nous l’avons noté, en commençant ce chapitre. Ainsi les sanctions contre les religieuses renvoyées ou retournées n’ont été décrétées qu’en 1908 dans le Tonkin Occidental ou l’actuel Vicariat Apost. de Ha-noi(1). Presque toutes les autres ont été ordonnées au moment
(1) Circulaires, Tonkin Occidental, II, n.49, p. 91.
[page 202]
où les Amantes de
Nous passons l’éponge sur les
mesures données aux Amantes de
(1) Circulaires, Tonkin Occidental, II, n.51, p. 93.
[page 203]
Le Règlement sommaire a été
complété peu-à-peu de cette manière, jusqu’au jour où le Code du Droit-Canon
fut publié. On cherche alors un peu partout à adapter le Règlement aux
prescriptions du Code. Nous allons donc aborder, l’étude des réformes, qui ont
été réalisées pour une bonne partie des Amantes de
[page 204]
Article 3e:
(Le
passage des Amantes de
La réforme peut s’entendre ici de plusieurs sens. Elle désigne:
1) L’adaptation des activités exercées par les Amantes de
du Viêt-Nam.
2) l’application à leur Institut des prescriptions du Code du Droit-Canon.
3) le passage des Amantes de
En ce qui concerne l’adaptation
des activités exercées par les Amantes de
Quant à l’application des
proscriptions du Code à l’Institut des Amantes de
[page 205]
les mesures du Code et celles de
l’Institut, si ce dernier avait eu un Règlement uni pour toutes les maisons. Il
n’en est pas le cas ici. 0r, nous n’avons pas sous la main les Constitutions de
tous les groupes d’Amantes de
Il nous reste d’étudier le
passage des Amantes de
§ 1- Le passage de l’état de quasi-religieuses à celui de religieuses.
A - La nécessité de cette réforme.
Peut-on parler de nécessité d’entreprendre
la réforme des Amantes de
- D’après l’étude historique, nous
avons vu qu’il fallait adapter, à la fin des persécutions, les activités
exercées par les Amantes de
[page 206]
nouvelles. De toutes les tâches,
celle qui s’imposait davantage, fut leur formation intellectuelle et spirituelle.
Dans tous les Vicariats Apost., on manquait d’institutrices d’écoles paroissiales
pour les jeunes filles, et, on formait à ce travail les «auxiliaires» illettrées
des missionnaires, que furent les Amantes de
Il y allait de leur existence. Sans
une toile adaptation des Amantes de
Quant à la formation
spirituelle, elle s’avéra non moins urgente. Malgré les pratiques de la
mortification et la grande ferveur, qui ont été tant louées, les Amantes de
Les missionnaires sont allés plus loin, ils ont voulu les faire accéder à l’état proprement religieux.
[page 207]
Or les ériger en un Ordre, qui comporte
la profession solennelle et la clôture papale, aurait été une entreprise ardue;
car le long passé des Amantes de
En fonction de l’évolution des
Amantes de
B- La profession religieuse.
Les Amantes do
[page 208]
ce fut l’absence de la profession, qui devait être solennelle. L’ère des persécutions une fois terminée, elles allaient réaliser, les unes après les autres, cet élément essentiel de la vie religieuse, qui ne consiste plus uniquement en la profession solennelle.
1° Dans le Vicariat Apostolique
de
Le Vicariat Apostolique de
Le mérite revient au Père Gernot
MEP. Arrivé à Cai-mon le 4 Août 1864, il s’est occupé immédiatement des Amantes
de
(1) Le Vicaire Apost. réside à Saigon, ce qui explique son
nom actuel de Vicariat Apostolique de Saigon. En 1924, le Saint-Siège a donné
aux Vicariats Apost. du Vietnam les noms des villes où résidaient les Vicaires
Apost., à la place des noms de région. Ce Vicariat Apost. donna naissance aux
Vicariats Apost. do Phnom-penh, de Vinh-long (1938) et de Can-tho( 1955).
(2) Ce couvent, à partir de 1938, appartient au Vicariat
Apost. de Vinh-long.
[page 209]
de
Mais l’émission des vœux en question
n’était pas obligatoire, ni revêtait de caractère public. Elle a été laissée libre;
par là les Amantes de
Cette formalité a cessé en 19 25
d’être facultative, au moment de l’adaptation du Règlement aux prescriptions du
Droit Canonique. Comment s’est effectué ce passage, le texte, composé en 1925
par le Provicaire de
«Les Amantes de
[page 210]
de 1925, après un noviciat
régulier, et, allant enseigner dans les écoles de
Le jugement porté en 1927 par
Mgr. Dumortier sur cette «adaptation» aux prescriptions canoniques nous permet
de l’évaluer au juste: «Nos quatre couvents indigènes d’Amantes de
Ainsi à partir de 1925, les
Amantes de
(1)
Compte-rendu MEP 1925, pp. 104-105.
(2) Ce sont les couvents de Cai-mon, Cai-nhum, Cho-quan,
Thu-thiêm. (3) Compte-rendu MEP 1927, p. 113.
[page 211]
2°
Dans les Vicariats Apostoliques du Tonkin Maritime(1) et de
Également en 1925, les Amantes
de
De toutes, les Amantes de
(1) Créé par le bref du 15 avril 1901, détaché du Tonkin
Occidental le 2 février 1902, la partie Sud-Ouest de Phat-Diêm fut détachée de
ce Vicariat en 1982, pour former le Vicariat Apost. de Thanh-hoa.
(2) Créé en 1844, le Vicaire Apost. réside à Qui-nhon. Ce
Vicariat Apost. donna naissance aux Vicariats Apost. de Kontum en 1932 et de
Nha-trang en 1957.
[page 212]
Mais «comme on le pense, les réactions furent assez pénibles et n’obtinrent pas grand résultat». Cette résistance vint surtout de la part des religieuses âgées, qui avaient été habituées à un genre de vie «pauvre», «pénible», et «mortifiée» mais assez libre et pas trop réglée. Elles regimbaient contre l’idée d’une nouvelle vie, comportant à la fois un renoncement et un don total. Alléguant leur âge avancé, elles ne voulaient pas y consentir.
En 1916 voyant son insuccès, Mgr Marcou confia la tâche aux «mains aussi fermes qu’expertes» du futur coadjuteur, Mgr de Cooman, qui devint en 1932 Vicaire Apost. de Thanh-Hoa. Cette seconde phase de la préparation a duré huit ans et a été couronnée de succès; car «de nouvelles Constitutions, en harmonie avec le Droit-Canon vinrent remplacer les anciennes et furent appliquées à partir de 1924»(l).
Alors on commença, pour la première fois, l’année du noviciat canonique, pour procéder en 1925 à la profession. A la veille de la réussite, la maison-mère à Phat-diêm a été l’objet d’attaques inouïes du démon. Durant ce premier noviciat, les postulantes et les novices tout particulièrement ont été assaillies et tourmentées par les forces diaboliques. Elles ont été obsédées et possédées. Des neuvaines sans nombres en l’honneur de Sainte Thérèse et de Saint Joseph ont
(1) Bulletin MEP, n. 112, Avril 1931, pp. 295-296.
[page 213]
procuré la force et donné la confiance aux éprouvées. De multiples exorcismes ont obligé le démon à se révéler. Exposées au spectacle des étrangers et tourmentées nuit et jour, les novices et les postulantes n’ont pû tenir que grâce aux prières, à la fermeté et à la perspicacité de Mgr de Cooman, leur supérieur.
À l’issue ou plutôt au milieu de
cette bataille, que les Amantes de
Le succès de la profession, faite
par celles-là qui ont été obsédées ou possédées, a donné à toutes une grande joie
et provoqué de l’étonnement de beaucoup, Mgr de Cooman, témoin de ces
événements où il était engagé comme supérieur des Amantes de
(1) Bulletin MEP, mai 1950, p. 313.
[page 214]
Six ans après, soit en 1931, les
Amantes de
Aux Amantes de
(1) Bulletin MEP, avril 1931, pp. 295-296.
[page 215]
Ainsi ce qui a été dit de la
profession des Amantes de
Dans le Vicariat Apost. de
Qui-nhon, les Amantes de
3° Dans d’autres Vicariats
Apost. où les Amantes de
Le Concile, plénier Indochinois(1), tenu en 1934 à Ha-noi
recommanda l’érection de l’Institut des Amantes do
Ce vœu du Concile a trouvé un
écho favorable. En effet en 1938 ou 1939 les religieuses de Hué et de Ha-noi
ont fait, à leur tour, la profession temporaire(2). Les Vicaires Apost. de Hung-hoa, de Bui-chu et de Vinh
ont suivi de plus près le conseil du Concile, qui souhaitait de voir les
Amantes de
(1) Ont pris part à ce Concile tous les Vicaires Apost. ou
Préfets Apost. du Cambodge, du Laos, de
(2) Cf. Bulletin MEP, Janv. et Avril 1938, pp. 58 et 260; et
Compte-rendu MEP 1938, p. 124.
[page 216]
à la profession perpétuelle
même. Ils ont invité respectivement les deux premiers les religieuses de
Phat-diêm, et le troisième les religieuses de Thanh-hoa, à venir présider à la
réforme des Amantes de
Ainsi les Amantes de
Le passage de l’état de vierges vivant en commun à celui de religieuses a eu un grand retentissement chez les intéressées,. Il s’agit pour elles de faire désormais un engagement public, et qui est définitif pour les professes à vœux perpétuels, à servir Dieu dans et par la vie religieuse. Elles sont passées de l’état simplement séparé du monde, où elles sont restées pendant deux siècles et demi ou plus, à l’état vraiment consacré.
4° L’approbation épiscopale et la confirmation pontificale.
L’approbation épiscopale ne pose point de problème, car ce sont les Vicaires Apost. eux-mêmes qui ont dirigé
[page 217]
ou ordonné les réformes en
question, ou l’érection de différents groupes d’Amantes de
Quant à la confirmation pontificale, elle paraît nécessaire, étant donnés:
- premièrement le laps de temps de
deux siècles et demi entre ces réformes et la confirmation de l’Institut des
Amantes de
- deuxièmement les nombreuses modifications, qui y ont été apportées pour s’adapter aux conditions imposées par les persécutions. Le Règlement original, à la date
des réformes, n’était plus
pratiqué tel quel nulle parti les groupes d’Amantes de
- troisièmement le passage à l’état
de vraies religieuses correspondait pour ainsi dire à une nouvelle fondation
car il s’agit pour les Amantes de
La confirmation fut donc requise, comme s’il s’agissait de nouvelles fondations. En tout cas, les Ordinaires doivent, avant d’ériger ces Congrégations quasi-diocésaines, prendre l’avis du Saint-Siège, d’après le c. 492. Ils doivent lui exposer ce qu’ils ont l’intention
[page 218]
de faire, et, suivre en cela les règles données dans le Motu Proprio «Dei Providentis» du 6 juillet 1906 ou les règles données ultérieurement pour chaque cas. Ceci a été rappelé par le Premier Concile Plénier Indochinois(1).
Des textes relatant les réformes, deux seulement ont parlé de cette reconnaissance par le Saint-Siège en y ont fait allusion.
Le premier texte émana du
Provicaire de Saigon, qui parlait précisément de la réforme des Amantes de
Le second texte parle des
Amantes de
indigènes ont toujours été de simples communautés de
(1) I Conc. plenar. Indosin. 1934, Ha-noi
1938, n. 108.
(2) Compte-rendu MEP 1925, pp. 104-105.
[page 219]
pieuses personnes, faisant
beaucoup de biens (elles furent très
méritantes, surtout aux temps de persécutions),
mais n’étant pas liées par les vœux de religion. Le Saint-Siège vient de leur
accorder cette faveur. C’est au couvent de Kim-hai, près de Hué, que les douze
premières Amantes de
Par le premier texte, nous
voyons que le Saint-Siège prit les devants, en ordonnant, semble-t-il, les
réformes en 1924, date à laquelle
5° Conclusion: le jugement de valeur sur ces différentes réformes.
A partir de 1925, les Amantes de
(1) Bulletin MEP, janv. 1938, p. 58..
(2) Cf. I Conc. plenar.
Indosin. 1934, Ha-noi 1938, n.105, en note.
[page 220]
cèrent les unes après les autres
à émettre les vœux de religion. Il a fallu trente ans pour que toutes,
appartenant à une douzaine de Vicariats Apost., se mettent au rythme de la profession
religieuse, car la dernière réforme n’a été réalisée à Vinh qu’en 1954(1). Par conséquent tous
ces groupes d’Amantes de
Nous avons utilisé le même mot «réforme»
pour toutes ces mesures intéressant chaque groupe d’Amantes de
Ainsi, de nos jours, des Amantes
de
(1) Car elles font cette année (1960) la profession
perpétuelle, qui doit être précédée de six ans de la profession temporaire.
[page 221]
Thanh-hoa. Les autres appartenant aux Vicariats de Ha-noi, de Hué, de Sai-gon, de Vinh-long... restent encore, à leurs yeux, des non-réformées.
Or si nous cherchons la source de
cette discrimination, elle réside justement dans le fait des réformes
elles-mêmes. En effet, depuis les réformes, les Amantes de
1°- font la profession perpétuelle (à Phat-diem, Thanh-hoa, Qui-nhon, Hung-hoa, Bui-chu, Vinh, selon l’ordre chronologique des réformes);
2°- suivent exactement les prescriptions du Code du
Droit-Canon, en plus de quelques règles particulières, comme celles qui concernent les austérités (dans les Vicariats Apost. cités au n.1, plus celui de Ha-noi, et moins celui de Qui-nhon). Dans ces Missions elles ont, disons, complètement révisé leurs Règlements.
Dans d’autres Vicariats, par contre, elles:
1°- ne font que la profession temporaire (Ha-noi, Hué, Sai-gon, une fraction à Qui-nhon, Vinh-long... où elles sont les plus nombreuses);
2°- ont seulement adapté leurs anciens Règlements aux prescriptions du Code du Droit-Canon, Elles suivent les institutions canoniques, qui sont pour
[page 222]
ainsi dire nécessaires, comme le noviciat, la profession. Mais à l’intérieur de chacune, bien des modalités, qui ne touchent pas la validité, sont encore maintenues.
Ces deux points divergents font qu’actuellement on peut dire encore que les unes sont réformées et que les autres ne le sont pas. A cela il faut ajouter une troisième divergence que nous étudierons à part. Cette dernière consiste en ce que les unes ont encore leurs maisons indépendantes les unes des autres, à l’intérieur d’un même Vicariat Apost., tandis que les autres ont leurs maisons groupées en Congrégations quasi-diocésaines unifiées.
Cette situation a sa source dans
le fait que les Amantes de
Leurs égales du Viêt-Nam Sud (Cochinchine) connaissent plus de variétés de ce point de vue.
[page 223]
C- Le costume religieux.
1°- Du début de leur Institut (1670) à la fin du dix-neuvième siècle ou des persécutions.
Les Amantes de
Un texte sur la fondation faite en
1671 de la première maison en Cochinchine porte ceci: elles furent «habillées de
même sorte de la manière la plus simple du pays, il (Mgr Lambert de
Une notice dans les Annales de l’œuvre
de
Au moment où il donnait en 1867
un costume distinctif aux Amantes de
(1) Launay, HMC, I, Paris 1923, p. 97.
(2) T. VIII (XLV), p.392, en note.
[page 224]
Pour assister à la messe, elles portaient l’habit à longues manches que portent encore les femmes annamites (de nos jours: Viêt-namiennes) dans les grandes cérémonies. Cet habit était en simple cotonnade, noir pour les professes et blanc pour les novices»(1).
En 1931 nous trouvons cette
observation sur le passé des Amantes de
2°- A partir de la fin du 19e
siècle: un costume pour les Amantes de
Dès la fin des persécutions
religieuses, on a pensé à donner un costume spécifiquement religieux aux
Amantes de
En Cochinchine :
En Cochinchine Occidentale (ou Saigon après 1924) on s’y est pris le plus tôt, soit aux premiers jours
(1) Ann. MEP, n. 43, janv.-févr. 1905, pp. 11-37.
(2) Bulletin MEP, avril 1931, pp. 295-296.
[page 225]
de l’instauration du protectorat français. Le Père Gernot, dont il a été question, s’en est chargé. La première prise d’habit a eu lieu dans le couvent de Cai-mon en 1867, le premier dimanche après Pâques. Le Père Gernot lui-même décrit ainsi cette cérémonie:
«En 1867 les persécutions ne sont plus à craindre, je songeai à compléter leur costume. Sur l’avis favorable du Vicaire Apost., le premier dimanche après Pâques, à la suite d’une retraite de quelques jours, dans l’Église de la paroisse (de Cai-mon), la petite communauté s’approche de l’autel. Après un sermon de circonstance, je leur coupai à chacune trois petites mèches de cheveux, leur imposai le grand habit noir et leur donnai le voile et le crucifix»(1).
A la suite des Amantes de
Les Amantes de
(1) Ann. MEP, n. 43, janvr.-févr. 1905, pp. 11-37.
(2) Couvent indigène de Cho-Quan, Historique et Règlement,
p. 7.
[page 226]
Au Tonkin:
Les Amantes de
beaucoup plus unie. En effet au Synode,
qui s’est déroulé à Ke-so en 1912, les Vicaires Apost. du Tonkin au nombre de sept
ont décidé de leur costume, qui fut exactement celui de leurs égales de
Les Amantes de
- d’un long habit noir,
- d’une ceinture noire,
- d’une pèlerine (ou d’un petit manteau) noir,
(1) Circulaires, Tonkin Occidental, II, n. 56 - Compte-rendu
MEP 1916, p. 121.
(2) De
[page 227]
surmontée d’un col blanc et bordée d’une ligne également blanche,
- d’un voile noir qui retombe sur le dos,
- d’une Croix qui pond devant la poitrine,
- d’un anneau pour les professes à vœux perpétuels.
Ajoutons qu’elles peuvent porter maintenant des chaussures alors qu’elles pouvaient tout au plus porter des sandales («giép»).
Conclusion.
«L’habit ne fait pas le moine»
ou la religieuse, mais il porte les gens à avoir plus de respect pour les religieuses;
il rappelle à ces dernières leur état de consacrées et par là les invite à devenir
toujours plus parfaites. En fait depuis qu’elles ont pris l’habit et prononcé les
vœux, les Amantes de
Notons enfin que l’imposition de ce costume distinctif a précédé de beaucoup la profession religieuse. L’explication est la suivante. Des la fin des persécu-
[page 228]
-tions, on pensait partout à faire
progresser les Amantes de
D- La clôture.
L’adoption de la clôture a été une
mesure, qui, avec la profession religieuse et le costume, tranchent nettement sur
le passé des Amantes de
1- Quand les Amantes de
Le Règlement original à l’article 5 porte sur ce point que «comme elles sont dispensées de garder la clôture à cause de l’obligation spéciale qu’elles ont de s’appliquer par leur Institut au salut du prochain, elles sortiront pour ce sujet avec la permission de leur supérieure qui leur donnera une compagne pour aller où elles seront envoyées».
De nombreux témoignages parlent dans le même
[page 229]
sens: «Nos religieuses ne sont point cloîtrées, dit en 1828 le Père Masson missionnaire au Nghê-an».
Deux notices sur les Amantes de
Donc les Amantes de
2- Depuis qu’elles sont devenues des religieuses: à partir de 1925.
Il est incontestable que le silence
et la retraite favorisent la piété d’une manière générale, et, à plus forte raison
chez les religieux ou religieuses. C’est cette considération qui a amené les
Amantes de
(1) Ann. Prop. Foi IV(XXXI), pp. 307... 314; VIII(XLV), p. 392, en note, et XXVII, pp. 89-90.
(2) Voir plus haut à la page 221.
[page 230]
Le premier groupe (de vraiment réformées) se
compose de toutes les Congrégations quasi-diocésaines du Tonkin, moins celle de
Hanôi, et plus celle de Qui-nhon (en
Cochinchine). Il se distingue de l’autre par l’observation
de la clôture règlementaire ou officielle. Il s’agit de la clôture commune
à toutes les Congrégations; laquelle s’observe conformément aux prescriptions
du Code du Droit-Canon. Elle fut appliquée aux Amantes de
L’autre groupe comprend toutes les
Congrégations quasi-diocésaines de
La modification des activités extérieures qui a suivi la fin des persécutions, entraîna celle du Règlement des Religieuses de ce second groupe. Ces changements s’introduisirent, sans avoir jamais rien d’officiel(1). Il en est ainsi de la clôture; laquelle n’existe pas réglementairement.
l) Couvent de Cho-Quan, Historique et Règlement, pp.4-5.
[page 231]
Conclusion du 1er paragraphe
En parlant de la profession, de l’habit
religieux et de la clôture, nous avons traité des points les plus importants et
qui faisaient défaut chez les Amantes de
§ 2- L’unification des
maisons d’Amantes de
Dans la série des mesures arrêtées
par ces réformes, il nous reste d’examiner en dernier lieu, une qui est d’une grande
importance pour l’organisation de
A- Rapports entre les Amantes de
Avant d’aborder la réforme, il est à propos d’ex-
[page 232]
-poser les relations entre les
différents groupes et maisons d’Amantes de
Depuis ce temps (vers 1700) elles s’y sont
propagées assez uniformément. Elles se trouvaient surtout dans
(1)
(2) Voir Ann MEP, n. 43, Janvier-Février 1905, pp. 11-37.
[page 233]
Nous pouvons donc considérer
toutes les Amantes de
Au Tonkin, sauf les trois
maisons situées dans le Vicariat Apostolique de Bui-Chu (une partie de l’ancien Tonkin Oriental), les Amantes de
Entre ces deux groupes, nous pouvons établir ces rapports:
1- Les points convergents d’avant les Réformes de 1925.
a) Elles ont le même nom, celui d’Amantes de
b) Elles avaient reçu le même Règlement original, et le même costume;
c)
Elles ont la même fin, celle de se sanctifier par l’amour de
[page 234]
d) Elles accomplissaient les mêmes activités gui furent le baptême des enfants en danger de mort, l’instruction des catéchumènes, la visite des malades, et la rééducation des femmes ou des filles perdues. Durant, les tempe de persécutions, elles servaient aux missionnaires de porteuses de lettres.
e) Elles travaillaient dans les champs, ou faisaient le petit commerce en ambulance pour gagner leur vie.
2- Les points divergents d’avant les Réformes de 1925.
a) Suivant le même but, elles se différenciaient par les moyens. Les
Amantes de
b)
Les Amantes de
[page 235]
-res Apostoliques, les quelques mesures communes du Règlement sommaire étant- sauves.
B- Rapports entre différentes maisons du même Vicariat Apostolique.
A l’intérieur de chaque groupe du Nord (Tonkin) ou du Sud (Cochinchine), et, dans un même Vicariat Apostolique, l’organisation n’était point unifiée.
1) Chaque maison était indépendante de l’autre: elle avait sa Supérieure, son Règlement particulier,
sa maison de formation et ses propres moyens matériels. «Chaque maison a sa Supérieure, disait Mgr Reydellet en 1766»; et de nos jours Mgr de Cooman en donne le même témoignage: «Elles vivaient toutes dans des couvents indépendants les uns des autres et soumis directement à l’autorité quasi-diocésaine»(1).
2) Chaque maison releva directement do l’autorité du Vicaire Apostolique, sans passer par une Supérieure générale.
Ce que nous établissons est confirmé
par un texte de Mgr Gendreau Vicaire Apostolique du Tonkin Occidental, qui en 1906
conseillait aux Amantes de
(1) NLE VI, pp. 133-134 et Lettre de Mgr de Cooman à
moi-même, le 21 nov. 1959, de Voreppe (Isère,
France).
[page 236]
de sa Mission de s’entraider matériellement: «Malgré que chaque maison, dit-il, se soutienne par soi-même, possède ses biens, et n’ait rien de commun avec d’autres, en dehors des prières ou suffrages pour les religieuses trépassées, il est cependant souhaitable que, si une maison est trop pauvre, les autres viennent à son aide»(1).
La même situation exista chez
les Ursulines, avant l’unification encouragée par les Papes Léon XIII et Pie X. C’est ce qui se trouve
encore de nos jours chez les Visitandines, dont Mgr Lambert de
C- Les avantagea et les désavantages de cette situation.
Il découle de cette organisation des avantages et des désavantages. Comme avantages, nous pouvons noter:
- une souple adaptation aux conditions locales, - la stimulation mutuelle sur la voie du progrès.
Mais les désavantages s’avèrent plus nombreux:
1) Tout d’abord les différences risquent d’être développées et de former chaque maison sur elle-même.
2) Au point de vue matériel, il peut y arriver qu’une maison soit bien à l’aise et que l’autre se trou-
(1) Circulaires, Tonkin Occidental, II, n. 55 ad 4um.
[page 237]
-ve dans la pénurie. Au cas où toutes les maisons d’un même Vicariat Apostolique sont unies, cela ne se produit pas.
3) Pour ce qui est de la formation, il est clair qu’une maison ne puisse former ses postulantes et ses novices aussi bien qu’une Congrégation composée de plusieurs maisons.
Tout cela constitue une sorte d’appel
à l’unification pour le bien commun des intéressées. C’est ce qui a été réalisé
pour une partie des Amantes de
D- L’unification des maisons du Vicariat Apostolique de Phat-Diêm en une Congrégation quasi-diocésaine en 1925.
D’après ce que nous avons vu, l’unification peut se faire sur deux plans:
- sur le plan quasi-diocésain, ou entre les maisons d’un même Vicariat:
- sur le plan général (supra quasi-diocésain) ou entre les Congrégations quasi-diocésaines.
La réforme déjà entreprise vise le premier, c’est-
[page 238]
-à-dire l’unification des maisons d’un même Vicariat Apostolique. Elle s’est effectuée en 1925 pour la première fois dans le Vicariat Apostolique de Phat-Diêm.
Le mérite de cette unification
en revient à Mgr de Cooman, qui a dirigé la réforme générale des Amantes de
«En 1932 le Saint Siège détacha
les provinces de Thanh-hoa et de Sam-nua du Vicariat de Phat-Diem, pour former
un nouveau Vicariat (celui de Thanh-hoa)... A cette occasion
[page 239]
de Phat-Diem fut scindée en deux
et tous les couvents situés dans le nouveau Vicariat de Thanh-hoa formèrent une
nouvelle Congrégation soumise directement au Supérieur du nouveau Vicariat. Cette
décision qui fut approuvée par Rome, était conforme à une tradition séculaire,
d’après laquelle tous les couvents des Amantes de
Depuis
Par la suite les Amantes de
(1) Mgr de Cooman - Bref aperçu sur
[page 240]
Des Amantes de
Quant aux Amantes de
Les Amantes de
*
[page 241]
Conclusion de l’article 3ème sur les réformes.
Nous avons distingué la
profession et l’érection en Congrégations quasi-diocésaines unifiées ou non,
pour mieux les étudier; il nous faut maintenant les unir; l’une et l’autre ont été
réalisées au même moment dans tous les Vicariats Apostoliques. Par contre l’habit
religieux a été imposé aux Amantes de
Il s’agit ici de ne point faire de
discrimination entre les Amantes de
Les difficultés réelles existent à l’encontre
[page 242]
d’un tel projet: premièrement,
on référence au Règlement original, les unes observent encore les austérités (le jeûne fréquent et l’abstinence presque perpétuelle chez
les Amantes de
Mais les espérances de l’unification
sont fondées sur des bases concrètes; car les Amantes de
- ont ou un passé commun et
plein de gloire;
- exercent de nos jours à peu
près les mêmes activités qui leur ont été fixées par Mgr Lambert de
(1) A Phat-Diêm, Thanh-hoa, peut-être Qui-nhon, Hung-hoa,
Bui-chu, Vinh.
(2) Hanoi, Hué, Saigon, Vinh-long, peut-être Qui-nhon pour
les maisons non réformées.
[page 243]
des malades, et, ajoutons, la direction des orphelinats et des crèches, pour ne citer que les activités les plus exercées).
Pour que cette unification
générale soit possible, il est opportun que toutes les Amantes de
[page 244]
Conclusion générale
Sur les origines et les activités des Amantes
de la croix.
Comme l’Institution des
catéchistes a été fondée au Viêt-Nam par le Père Alexandre de Rhodes S.J., le
Fondateur unanimement reconnu de l’Église vietnamien ne, ainsi l’Institution
des Amantes de
L’intention première de Mgr
Lambert de
Pendant les temps de persécution, elles ont servi
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aux missionnaires, de messagères
ou porteuses de lettres; elles ont été chargées d’aller visiter les Confesseurs
de la foi enfermés dans des prisons eu dans des cachots sordides, de leur
porter les secours matériels ou autres, et même le Saint-Viatique là où la
prêtre ne pouvait pénétrer. Traqués de tout côté par les persécuteurs et leurs
satellites, les missionnaires qui savaient pas d’endroit où reposer leurs
têtes, trouvaient toujours chez les Amantes de
A peine tournée cette page glorieuse de leur histoire scellée par les marqués du sacrifice et du martyr, elles ont aidé les prêtres étrangers ou nationaux, à relever et à affermir les Chrétientés ruinées et les Chrétiens découragée; elles ont contribué à propager la foi catholique par les œuvres ou témoignages de charité.
Cette affirmation n’est point
exagérée; elle n’est qu’un écho lointain de tant de témoignages et de louanges
que les Amantes de
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des Amantes de
«L’hôpital tenu par les Sœurs
indigènes (à Phong-Y) est un autre prédicateur éloquent (en comparaison avec le Père Martin qui fut un prédicateur
renommé à Phong-Y), et plus éloquent encore.
Cette année ces bonnes religieuses ont reçu 893 malades. Elles en ont visité et
soigné 2.000 à domicile et distribué, au dispensaire, des remèdes à plus de
5.000 infirmeries. Cette année l’hôpital et
«Le dévouement de ces bonnes Sœurs et leurs soins prodigués avec tant de charité aux pauvres malades sont une forme de prédication, à laquelle les cœurs les plus endurcis ne savent pas résister»(1).
Elles furent vraiment les auxiliaires des missionnaires, comme l’attestent les deux témoignages suivants datés des années 1936 et 1937:
«Né aux siècles des persécutions, ayant rendu à la foi catholique, en ces âges de sang, notamment aux confesseurs de la foi dans les fers, les plus héroïques services, l’Institut (des Amantes de la
(1) Compte rendu MEP 1907, p. 193 et 1908, p.180.
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Croix) compte parmi ses membres des martyres par centaines; il mérita même, en juillet 1860, l’honneur d’un édit spécial de proscription de la part du sanguinaire Tu-Duc. Cet Ordre de Religieuses indigènes, qui partagea si longtemps dans les paroisses annamites les travaux des missionnaires, mérite d’être cité avec honneur au palmarès de l’évangélisation de l’Indochine(l). Nous nous réjouissons de les voir se perpétuer au cours des siècles et se développer chez nous toujours vivaces et toujours aptes à rendre de précieux services, dans les chrétientés pauvres particulièrement».
Enfin il faut signaler «la part
capitale prise au développement des Missions de l’Indochine par l’Institution
des Catéchistes-hommes et par
(1) L’Indochine comprenait tous les pays situés entre
se trouvaient dans tous
ces pays, sauf en Birmanie.
(2) Bulletin MEP, mai 1936, p. 373, et, février 1937, pp.
137-138.
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Sur le statut’ juridique et les
réformes de l’Institut des Amantes de
Ce qui frappe le plus dans l’étude
sur le statut juridique de l’Institut des Amantes de
Mais, en réalité, ces
congrégations s’inspiraient de l’esprit des conseils évangéliques, et,
imitaient le mode de vie des religieux ou réguliers. Le Amantes de
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prolongée de plus de deux siècles. C’est pourquoi la
cadre de leur vie communautaire imita celui des Ordres
les plus sévères d’Europe, par l’observation du silence, par la pratique des grandes austérités, et, par l’intensité de la vie de prière.
Par ailleurs cette situation
inférieure, dans la conception ancienne de la vie religieuse ne comportait pas
que de désavantages; car elle permit de mieux répondre aux nécessités du moment
de l’Église Viêt-namienne. Ainsi les Amantes de
Le Règlement original, qui fut
bien sommaire et souple, a été souvent modifié pour s’adapter à ces conditions
concrètes. Une fois passées les causes de sa non-actuation, que furent les
persécutions principalement, on aurait dû restituer ce Règlement à son état
premier et le réaliser. Mais d’une part le Code du Droit-Canon, promulgué en 1917,
décida des règles à observer pour l’érection des Congrégations religieuses, et,
d’autre part les besoins de l’Église du Viêt-Nam, que les Amantes de
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dès la fin des persécutions.
Alors il s’agissait pour elles d’une
question de vie ou de mort, en acceptant ou refusant la ré forme. Rester dans l’état
antérieur signifiait faire la marche en arrière et consentir à disparaître à
coup sûr; en sortir pour entrer dans une nouvelle période signifiait aller de l’avant
et prospérer indubitablement. C’est la deuxième voie que les Amantes de
Il reste qu’elles retrouvent l’unité et la coordination, non seulement à l’intérieur d’un même Vicariat Apostolique, mais aussi entre tous les Vicariats Apostoliques où elles existent. Nous ne hasardons pas à prévoir les voies possibles de l’unification; car chaque forme d’unification comporte des difficultés et des avantages, et qu’il ne convient pas de «mettre la charrue devant les bœufs», en exposant les difficultés qui sont actuelles et réelles et en escomptant les succès qui sont futurs et probables. Quand vient le moment où les esprits seront préparés et que les Supérieurs verront la nécessité ou au moins l’utilité d’une unification générale de
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toutes Amantes de
Ajoutons qu’en juillet
Le problème de la réintégration
des chrétiens dans les Vicariats Apostoliques du Sud-Viêtnam a été résolu; là
où ils se trouvent, ils relèvent de la jurisdiction de l’Ordinaire du lieu. Il
reste que les Amantes de
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-sion du Vietnam tant qu’elle demeure, en est le premier plus grand obstacle.
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ÉPILOGUE:
Les mérites des missionnaires de
Ici nous devons rendre honneur
aux missionnaires de
Ainsi le premier évêque d’origine
vietnamienne, à son arrivée en 1932 à Phat-Diêm, y a trouvé une Congrégation
déjà installée et prête à lui obéir. C’est dans ce Vicariat Apostolique qui fut
confié le premier au clergé vietnamien, que les Amantes de
En 1927 Mgr Dumortier MEP, Vicaire
Apostolique de Saigon écrivit: «Il semble que les membre de
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des Fondateurs de notre Société (des MEP), Mgr Pierre
Lambert de
(1) Compte-rendu MEP 1927, p. 113.
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